Corps de femme 3 – les haltères – Articles de presse

Radio Cité Genève / Yann Bellini / "Corps de femme" / 16.05.14

Corps de femme

Yann Bellini reçoit Judith Depaule pour nous présenter « Corps de femme », un ensemble de trois pièces de théâtre et une exposition présenté au Théâtre St-Gervais.

En écoute ici : lien.

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Le nouveau blog de Barbara Polla / Barbara Polla / "Corps de femmes !" / 14.05.14

Corps de femmes !

Corps de femme 3 - les haltères

Judith Depaule nous est venue de Paris, pour filmer des femmes, en Suisse romande, corps et âmes, dans nos villes et nos campagnes, dans nos salles de sport et d’entraînement, dans les rues et les piscines, judo, tir à l’arc, boxe, roller… Il en résulte une exposition remarquable à Saint Gervais. Les femmes racontent. L’infirmière qui fait de la boxe. La tireuse à l’arc. La triathlète. Le sol est marqué comme une salle de gymnastique, l’espace vide laisse la place à nos propres corps, trois grands écrans nous proposent douze portraits, à choix, à écouter, admirer, mélanger, méditer.

La menue Judith Depaule à l’irrésistible sourire, à l’invincible ténacité, qui fut lauréate de la Villa Medicis hors les murs, s’est vue surprise par notre pays et les difficultés racontées par les femmes – peut-être les hommes aussi ? – pour arriver au sommet de leur art sportif. Leurs terrain de sport sont vides de sponsors, indispensables pourtant à l’entraînement le plus intensif. Je lui expose ma théorie de la « pyramide inversée » que je défendais déjà à l’époque où Samuel Schmid était notre « Ministre des Sports » comme on dirait dans l’Hexagone. L’idée est que pour faire vivre le sport auprès du plus grand nombre, c’est la pointe de la pyramide qu’il faut soutenir d’abord, et non la base. En soutenant les meilleurs, on génère des icônes, des modèles, des espoirs, auxquels les plus jeunes se réfèrent alors avec passion. En générant des modèles, on génère aussi des sponsors… Elle s’est vue admirative aussi de l’ouverture des spectateurs : car l’artiste – « artiviste » comme on appelle parfois ces artistes porteurs d’un message socialement, politiquement très fort – est aussi metteure en scène et propose un magnifique spectacle en forme de trilogie – un spectacle dont je vous avais parlé précédemment (lien) et je vous le redis : allez voir !

Allez voir le Ballon Ovale aujourd’hui et demain et les Haltères vendredi et samedi : à 19h mardi, jeudi, samedi ou 20h30 mercredi et vendredi, une heure de spectacle passionnant : Nurcan Taylan, première sportive turque à avoir décroché l’or olympique, et les joueuses de l’Athlétic Club Bobigny 93 rugby et le Rugby Club Soisy Andilly Margency 95 s’expriment sur les raisons de leur engagement, la façon dont elles se perçoivent et sont perçues par les autres. Sur scène : des images projetées des sportives et une comédienne (ou une danseuse) qui restitue leurs paroles et leurs gestes.

C’est au Théâtre Saint Gervais (lien) et voici un cadeau : le billet « normal » est 25 CHF – mais si vous allez à Saint Gervais d’ici ce samedi soir, seul/e ou accompagnés, présentez-vous au guichet en disant : j’aimerais un « BILLET BLOG » – votre billet ne vous sera alors facturé que 12CHF.

Un cadeau de Judith Depaule, pour vous, chers lecteurs et lectrices. Un cadeau de culture, physique, mentale et poétique…

Merci Judith, et bravo !

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La Tribune de Genève / K.B. / "Le sport dans le corps" / 13.05.14

Le sport dans le corps

Versant scénique de l’exposition homonyme visible à Saint-Gervais jusqu’au ler juin, Corps de femme se subdivise en trois parties que sa créatrice Judith Depaule égrène au fil de la semaine. Lancer de marteau, rugby et haltérophilie: des disciplines normalement associées au corps masculin. Mais comment leur corps détermine leur sport, et comment leur sport se vit dans leur corps: ces questions s’adressent ici à des championnes femmes. De quoi tordre le cou aux idées reçues.

Le sport au crible du genre dans « Corps de femme ».

Corps de femme 3 - les haltères

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Le Courrier de Genève / Laura Steen / "Les femmes, des athlètes comme les autres?" / 12.05.14

Les femmes, des athlètes comme les autres?

STÉRÉOTYPES • Une femme choisira la danse, un homme le rugby ? Des clichés que l’artiste Judith Depaule tente de déconstruire, cette semaine au théâtre St-Gervais, à Genève.

Corps de femme 3 - les haltères

Les sportifs sont-ils destinés à faire et les sportives à plaire ? Comme si, depuis Pierre de Coubertin, qui ne pouvait imaginer des « olympiades femelles », la misogynie n’avait toujours pas quitté les vestiaires ? C’est du moins le parti pris de Judith Depaule, metteuse en scène française, qui pose ses valises cette semaine au Théâtre St-Gervais, à Genève, pour y questionner le genre dans le sport. Et ce à travers deux événements: la représentation des trois premiers volets de sa quadrilogie théâtrale, « Corps de femme », et une exposition.

Élevée selon une vision égalitaire du monde, Judith Depaule s’est rapidement heurtée à la complexité de la dichotomie homme-femme dans sa pratique quotidienne. Selon elle, les artistes hommes sont plus facilement soutenus, alors qu’une femme doit sans cesse démontrer la pertinence de son travail. Mais pas question pour l’artiste de se poser en victime. Ce qu’elle souhaite, c’est « faire réagir la société », le théâtre étant là, avant tout, pour poser des questions, et non pour résoudre les problèmes.

En l’occurrence, en matière de stéréotypes dans le milieu sportif. « Dans l’imaginaire collectif d’une société masculine comme la nôtre, une lanceuse de poids n’aura pas de cou, aura des poils, des cheveux gras et une bouée autour du ventre ! », explique Judith Depaule.

JO: les tests de féminité

De fait, depuis la fin du XIXe siècle les femmes ont dû se battre pour avoir une place sur le podium. Un exemple: les tests de féminité. Même s’ils ont été abolis par le Comité international olympique en 1999, certaines femmes sont encore pointées du doigt.

Comme Caster Semenya, Sud-africaine, spécialiste du 800 mètres. En 2009, elle devient championne du monde à Berlin. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais l’athlète a une apparence masculine, une voix grave et fait de bons chronos. « Sa fédération a alors fait des tests de féminité », raconte Judith Depaule. Résultat ? L’athlète présente un hermaphrodisme rare. On l’a autorisée à courir de nouveau à condition qu’elle gère sa testostérone chimiquement…

Pour mener à bien son projet, Judith Depaule a rencontré des femmes qui pratiquent un sport a priori viril, masculin, à savoir le lancer de marteau, le rugby et l’haltérophilie. « À cause de l’image véhiculée dans les médias, je ne les imaginais pas capables de pensée réflexive », avoue l’artiste. Une erreur rapidement corrigée. Elle s’est rendue sur le lieu de travail de ces femmes et les a filmées dans leur quotidien, professionnel et privé. « Je suis partie de ce qu’elles m’ont raconté et je l’ai retranscrit à travers mon regard d’artiste. » Sur scène, cela donne un savant mélange de vidéos d’entraînement sur un fond sonore oppressant, tandis qu’une comédienne reproduit les gestes des sportives et clame un texte inspiré des interviews.

Le roller derby, sport « féministe »

Méthode identique pour l’exposition « Corps de femme – variation 2 ». Au départ, il y a une rencontre avec dix-huit sportives romandes. Championnes notamment de roller derby, sport inventé dans les années 1930 qui connaît un regain depuis 2000 grâce aux milieux féministes américains. Le roller derby est une course sur piste ovale avec des joueurs montés sur patins à roulettes; pour l’un d’eux, il s’agit de dépasser l’équipe adverse, dans un temps donné.

Les joueuses sur patins ont leur petite idée de la suprématie masculine dans le sport. En l’occurrence Stephany, alias Moody Slapping, 25 ans, sélectionnée par l’équipe nationale suisse pour participer au Championnat du monde de la discipline à Dallas, en décembre. « Dans le roller derby, ce sont les hommes qui subissent la discrimination », justement à cause de ce renouveau féministe. Quant aux clichés de femmes brutales, sa collègue Gorana Shokola, 30 ans, répond dans un sourire : « Nous sommes des amazones. Pas des brutes ! »

Judith Depaule souligne combien toutes ces femmes ont du mal à répondre à la question de la féminité, « parce que c’est un concept social qui bouge selon l’époque ou le pays ». Cela se résume-t-il au chromosome X, au fait de porter des talons et des jupes ? Pour l’artiste, une seule recette pour déconstruire les stéréotypes : « Par l’éducation, il faut s’interroger sur la mixité et surtout sortir de la bicatégorisation. » Selon elle, la différence fait peur alors qu’elle devrait être pensée comme complémentarité.

Justement, la semaine dernière, une femme a été nommée pour entraîner une équipe de football masculine de deuxième division, en France. Pas de quoi crier victoire pour Judith Depaule. Le problème est trop profond, « la femme n’est pas un athlète comme un autre, puisqu’elle n’est pas un homme comme un autre ».

Corps de femme, Théâtre St-Gervais. Exposition jusqu’au 25 mai de 12h à 18h. Pièces de théâtre du 12 au 17 mai. Infos : www.saintgervais.ch

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Radio Vostok / Ana Isabel / "Corps de femme" / 12.05.14

Corps de femme

Du 12-17 mai au théâtre St-Gervais, une trilogie de vidéo-documentaires soulevant la question du genre et de la femme athlète.

« Corps de femme » : Un spectacle en trois volets mais aussi une conférence (7 mai à 18h30 à Uni-Dufour) et une exposition qui traite des normes établies de notre société. Ce projet européen soulève des interrogations au sujet de la femme (au singulier) et son corps, plus particulièrement la femme sportive, s’adonnant à des sports traditionnellement considérés comme masculins tels que le rugby et l’haltérophilie et ce dans une société qui fige la femme dans une représentation fabriquée de la féminité. 

Sur scène ce sont des images projetées des sportives et une comédienne/danseuse qui restitue leurs paroles et gestes. Interview de Judith Depaule, metteur en scène.

En écoute ici : lien.

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Le Temps / Nic Ulmi / "Sois belle, sois une brute et tais-toi" / 07.05.14

Sois belle, sois une brute et tais-toi

Sport – Le corps féminin est au coeur de l’enquête menée par la metteure en scène Judith Depaule

Conférence, expo et trois spectacles

Corps de femme 3 - les haltères

« Corps de femme 3 – les haltères ». Lanceuse de marteau, rugbywoman, haltérophile: une double injonction grève les corps des femmes sportives.

Il y en a qui croient que l’égalité entre hommes et femmes, c’est une mission accomplie. Judith Depaule comptait autrefois parmi ceux-là. « J’ai été élevée par la génération qui pensait qu’elle avait réglé le problème. A un moment donné, la réalité s’est entrechoquée avec les valeurs qu’on m’avait transmises. Je me suis rendu compte que ce n’était pas si simple », raconte la metteure en scène française, installée à Genève pour quelques semaines avec trois volets de sa quadrilogie Corps de femme, une exposition en forme d’enquête vidéo surie sport féminin en Suisse romande et une conférence, mercredi soir, sur le thème « Les femmes sont-elles des athlètes comme les autres? ».

La quête de réponses démarre en Pologne, en 2008. « C’est de là que vient la  première championne olympique de lancer du marteau. Et c’est là aussi que, pour la première fois, une athlète a échoué à un test de féminité. » Les propos recueillis auprès de la lanceuse Kamila Skolimowska sont confiés, sur scène, à une comédienne qui en stylise les gestes, accompagnée de séquences vidéo: premier volet. L’expérience sera répétée avec des joueuses françaises de rugby, puis avec la Turque Nurcan Taylan, championne du monde d’haltérophilie.

Propos abondants des coureuses de ballons ovales: « Je suis née dans le rugby. J’en ai toujours fait. Même enceinte, je jouais. » « Plus c’est gore et plus j’adore. » « Que je sois heureuse
ou triste, je pleure tout le temps. Au rugby, les nerfs se relâchent, je pleure encore plus facilement. » « Plus jeune je voulais être en équipe de France. Je voulais même jouer avec les garçons. Je pensais qu’ils ne nous sépareraient pas »… Propos plus laconiques de l’haltérophile turque: « Je n’aime pas trop dire que je suis forte. En même temps, je suis quelqu’un de très fragile intérieurement. »

« Fragile », cette fille de 1 mètre 52 qui soulève plus de deux fois son poids: une confession, un cri du coeur – ou un besoin d’adhérer malgré tout à l’imagerie courante de la féminité? « Dès qu’une femme pratique un sport dit violent, elle empiète sur le territoire masculin. Du coup, on regarde très attentivement à quoi elle ressemble, et il faut qu’elle fasse preuve d’une féminité exacerbée pour qu’on l’accepte. Il suffit de voir, ces dernières années, comment s’est développé le look des sprinteuses: supermanucurées, supercoiffées, pleines de bijoux », répond Judith Depaule. Double injonction grevant le corps féminin sportif : se conformer à des standards de performance définis par un cadre essentiellement masculin – et prouver qu’on est encore et toujours femme.

Qu’est-ce qui motive les filles à se lancer dans un tel parcours? Si le sport peut libérer, il traduit aussi des déterminismes sociologiques ou familiaux. « Les haltérophiles sont souvent issus de classes extrêmement populaires. C’est frappant, dans le cas de Nurcan Taylan, de voir que la fille d’un ouvrier travaillant dans la fonte en vienne à soulever de la fonte elle-même… » La lanceuse de marteau? « Elle est issue d’une famille où tout le monde a des physiques surdimensionnés. Elle a fait comme son petit frère, mais elle a été meilleure que lui. Alors on lui a dit: viens ici, toi, on va t’entraîner – ton petit frère ne nous intéresse pas… »

Et les filles du rugby? « C’est peut être une histoire de revanche à prendre sur quelque chose qui est contraint par le masculin, par la famille, par la culture. Un entraîneur remarquait que les filles dont le corps est très surveillé à la maison adorent le rugby parce que c’est un espace de liberté, tout en restant cadré aux yeux des familles. Il voyait ces filles s’épanouir, car enfin elles pouvaient être dans le contact, toucher l’autre, faire ce qu’elles voulaient de leur corps. » Comme le clame une des joueuses interviewées: « Je prends plaisir à faire un placage. Plus je rentre dans une nana, plus je suis contente. »

« Dès qu’une femme pratique un sport dit violent, il faut qu’elle fasse preuve d’une féminité exacerbée. »

En dépit du célèbre anathème de Pierre de Coubertin – « Les olympiades femelles sont inintéressantes, inesthétiques et incorrectes » – les femmes athlètes sont aujourd’hui presque partout. « Il y a des raisons économiques : ça signifie plus de gens qui cotisent, de nouveaux réservoirs. Et il y a des enjeux politiques, un potentiel de médailles », relève la metteure en scène.

Exemple vertigineux où les femmes deviennent de la chair à canon dans la bataille des médailles : l’Allemagne de l’Est de 1974 à 1989, sur laquelle Judith Depaule souhaite clôturer sa quadrilogie. « C’étaient souvent de jeunes filles juste avant la puberté, à qui on donnait des pilules d’hormones en leur disant qu’il s’agissait de vitamines. Tout à coup, elles s’apercevaient qu’il se passait de drôles de trucs dans leur corps, au niveau de leur voix, de leur pilosité… En même temps, elles n’osaient pas poser de questions. Elles ne savaient pas si c’était normal ou pas. » Volet plus ardu que les autres : « Pour l’instant, je n’arrive pas à trouver une femme qui veuille témoigner. A chaque fois, elles se rétractent. La blessure est encore très vive. Et un certain nombre de coupables sont encore en vie. »

Les femmes sont-elles des athlètes comme les autres? Conférence, mercredi 7 mai à 18h30, Uni Dufour (salle U300), Genève.
Variation 2. Exposition, 6-25 mai
Théâtre Saint-Gervais Genève.
Corps de femme. Compagnie Mabel Octobre et Judith Depaule, 12-17 mai, Théâtre Saint-Gervais Genève.
www.saintgervais.ch

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Tribune de Genève / Muriel Grand / "Le Théâtre Saint-Gervais tire le portrait de femmes athlètes" / 06.05.14

Le Théâtre Saint-Gervais tire le portrait de femmes athlètes

Spectacles, exposition et conférence de la metteure en scène Judith Depaule explorent la pratique du sport féminin

Judith Depaule - Tribune de Genève

Légende : L’installation vidéo de Judith Depaule permet d’interagir avec le portrait filmé de douze sportives romandes. STEEVE IUNCKER GOMEZ

« Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. Le rôle des femmes est de mettre la couronne sur la tête des vainqueurs. » Datant de 1912, ces propos sont le fait du créateur des Jeux olympiques modernes, Pierre de Coubertin. Une vision d’un autre temps, certes. Mais de nos jours, les femmes sont-elles vraiment des athlètes comme les autres? C’est la question que pose la manifestation thématique qui débute aujourd’hui au Théâtre Saint-Gervais.
Au coeur d’un dispositif comprenant spectacles, exposition et conférence se trouve la metteure en scène française Judith Depaule. Travaillant de longue date avec le théâtre, elle a proposé d’y présenter son travail autour des sportives. Plus particulièrement, des femmes ayant choisi un sport qu’on réserve habituellement aux hommes lancer du marteau, rugby et haltérophilie.

« Le sport est très théâtral »

L’artiste a mené une véritable enquête auprès de championnes dans ces disciplines. Caméra vidéo au poing, elle les a suivies dans leur pratique et dans leur intimité. Et a été très bien accueillie. Certaines athlètes lui ont même fait des suggestions sur la manière de filmer. « J’ai dû inventer une façon de capturer leur pratique qui diffère de celle qu’on a l’habitude de voir, qui soit plus artistique. »
Chaque discipline a donné naissance à un spectacle, comme autant de variations autour d’un thème. «Au fur et à mesure, ma réflexion a évolué vers quelque chose de plus physique, presque une performance», raconte Judith Depaule.

Tandis que des images des athlètes s’affichent sur écran, une comédienne incarne physiquement les différentes facettes de la pratique. « Le sport a quelque chose de très théâtral. J’ai développé et sublimé les éléments exploitables sur scène. Amplifiés, certains mouvements deviennent de la danse, par exemple. » Philippe Macasdar, directeur du Théâtre Saint-Gervais, a accepté avec enthousiasme de montrer ce travail. Mais il a demandé à Judith Depaule d’y ajouter un volet plus local. L’artiste a donc rencontré douze Romandes pratiquant à un niveau amateur ou olympique lutte, judo, boxe, tir à l’arc, skate, tchoukball ou ski nautique. « J’ai essayé de les laisser se raconter telles qu’elles sont: leurs motivations, leur ressenti, leur féminité et les problèmes auxquels elles se heurtent, notamment le manque de soutien officiel. »
Ces prises de vue sont mises en scène dans l’exposition à Saint-Gervais. Le portrait de chaque sportive se répartit sur quatre écrans avec lesquels le visiteur interagit. Tandis que se déroule l’interview sonore, on peut choisir de donner plus d’importance aux images de l’athlète en train de parler, à celles où elle pratique sa discipline ou à celles de sa vie privée. « Le public peut recréer la vision qu’il a de ces sportives, son propre stéréotype. » Sous une forme plus classique, les entretiens réalisés pendant cette en quête donneront naissance à un DVD documentaire.

Représentatif de la société

Dernier volet de cet événement thématique, une conférence de la metteure en scène sur sa démarche, organisée à l’Université. La Ville ne pouvait pas laisser passer une telle occasion de parler de discrimination par le genre ancrée dans le quotidien. « Le sport est très représentatif de la société, relevait hier Sandrine Salerno, maire de Genève. Dans la pratique sportive, l’inégalité demeure, que ce soit dans les moyens mis à dis position, la couverture médiatique ou la part de femmes parmi les dirigeants sportifs. » Les interrogations demeurent donc. Pour Judith Depaule aussi, qui ne peut tirer de conclusions sur la pratique sportive féminine: « Chaque cas étant différent, mon portrait est forcément mouvant. » Elle a cependant été frappée par les points communs entre sportives et artistes. « Le fait de consacrer sa vie à une seule activité, l’obsession, le renoncement… Parfois, j’avais l’impression d’avoir un miroir en face de moi. »

« Corps de femme », au Théâtre Saint-Gervais, rue du Temple 5.
Exposition du ma au di de 12 h à 18 h, jusqu’au 25 mai.
Spectacles du lu 12 au sa 17 mai.
Conférence me 7 mai à 18 h 30 à Uni Dufour, salle U300.
www.saintgervais.ch

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Edgy Women Blog / Marhi Aive / "Corps de femmes" / 09/03/13

Corps de femmes

Dans le cadre du festival Edgy Women, Judith Depaule présentera Corps de femme 3 – les haltères, le troisième volet d’une recherche évoluant à travers des réflexions sur le genre et les critères de la féminité. À travers cette création de 30 minutes, elle s’intéresse aux modifications du corps d’une jeune athlète haltérophile tchèque et questionne le rapport aux modifications corporelles à travers le sport.

Comment s’y prend-elle? D’abord, à travers une investigation, une recherche en profondeur sur la thématique qui lui permettra ensuite de se mettre à l’écriture (tout ici fait partit de l’écriture : éclairage, danse, technologie, etc.). Elle sculpte la thématique en focusant sur comment dire les choses et recherche les bons moyens à utiliser pour arriver à l’objectif. L’importance de la forme. Dans ce projet, elle se sert principalement du sport pour orienter la scénographie et elle dit que « les images sont aussi importantes que les mots », c’est pourquoi elle utilise la technologie, la vidéo et la projection, avec, par exemple, des images projetées sur le corps pour modifier notre perception de celui-ci. Pour une artiste contemporaine, il est important d’être sans cesse en mouvement dans sa pratique artistique et de rendre fluide ses pratiques.

Corps de femmes : sport et spectacle.

Il y a assurément un lien entre sport & art, ou plutôt sport & spectacle, il y a plusieurs similitudes possibles : la popularité, l’adrénaline, le fait d’entrer sur scène / sur le terrain, la rencontre avec le public, etc. Mais la question est comment le corps réagit à ces pratiques? Il y a généralement des modifications sur le corps et sur les multiplicités de formes de celui-ci. Par exemple, dans son travail avec l’haltérophile tchèque, elle perçoit, à travers elle, plusieurs corps différents : un corps petit, où assise ses pieds ne touchent pas au sol, un corps musclé par la pratique du sport, un visage laid à travers l’acte de forcer et un corps souple, semblable à celui d’une gymnaste.

Également, il y a cette idée de performance qui se transpose à travers une nécessité de correspondre aux codes du sport. À travers l’haltérophilie, il y a une obligation de répondre aux images de l’hyper-féminité. Pour les compétitions, on a imposé des test qui ont pour but de démontrer la réelle féminité : certificats de féminité, examens et test chromosomiques et test de taux de testostérone. Toutefois, certains corps d’haltérophiles brisent avec cette hyper-féminité, la musculation détruit cette perception de fragilité et les modifications faites sur le corps des femmes dérange le public. En spectacle, on a souvent cette vision du corps fantasmé. Il faut alors se poser cette question : Qu’est-ce qu’une femme?

Mabel Octobre présentera Corps de femmes 3 : les Haltères
Vendredi soir et samedi soir, 19h à 22h. Au Blue Cat Boxing Club pour GAME ON

Marhi Aive

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Mouvement / Margot Dacheux / "Détournements féminins - 20e anniversaire du Festival Edgy Women " / 07/03/13

Détournements féminins - 20e anniversaire du Festival Edgy Women

Judith Depaule / Coral Short / Heather Cassils / Dayna McLeod
02/03 > 10/03/2013 -MONTRÉAL

Le festival féministe réconcilie cette année les arts et les sports.

Organisé depuis vingt ans par le Studio 303, le Festival Edgy Women offre une place de choix à la femme. Autour du sport, le festival interroge le genre et l’équité. Les artistes féministes invitées déconstruisent les stéréotypes dans des formes performatives et pluridisciplinaires. Dès l’ouverture de la manifestation, un programme de courts métrages permettra de découvrir la vidéaste Dayna McLeod, qui transforme un terrain de basket en industrie pornographique. D’autres artistes investiront le ring du club de boxe Chat Bleu ; Heather Cassils se livre dans l’obscurité à un combat contre un bloc de glaise dont on ne voit que ce que les flashs photographiques acceptent de nous livrer quand Coral Short se bat contre elle-même jusqu’à épuisement. On y verra également Judith Depaule dans son Corps de femme, transformé par des muscles en plastique, qui porte haut l’haltère. Autres possibilités, une partie de babyfoot féministe ou un tour de manège à dos de bodybuilders.

Festival Edgy Women, du 2 au 10 mars à Montréal.

Margot Dacheux

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Cult Montréal / Emily Raine / "Edgy Women mixes feminism, art and sports" / 06/03/13

Edgy Women mixes feminism, art and sports

French bodybuilder Mabel Octobre, performing at « Game On. »

Montreal’s Edgy Women festival celebrates 20 years of exploring feminist art practices with a five-day slate of events. This year’s edition is sports-themed, presenting “unruly hockey,” lady lucha libre and a colloquium about feminism and sport — conducted from inside the Blue Cat Boxing Club’s ring.

“It’s kind of been brewing for awhile,” says the festival’s artistic director Miriam Ginestier. “About five years ago I saw a women’s boxing match at the Sala Rossa, under the chandeliers, and was really blown away by that.

“I’m not someone who’s very interested in sports really, and I don’t participate, I don’t watch, so for me watching it as a kind of performance was a revelation. It made me start thinking, well, what is the difference between sports and performance? There’s virtuousity in both, there’s spectacle in both, there’s costuming in both. There’s fans in both, but to different degrees. That’s where the idea came from, and then a bunch of other stuff kind of made that percolate.”

The festival is also working with Meg Hewings, general director of the Montreal Stars and Hockey Dyke in Canada blogger, to create an on-ice arena event in which players and event participants can rethink and play with the rules of the sport, followed by a late-night game. As Ginestier notes, “The Canadian women’s hockey league — their whole annual budget is equivalent to one not-so-great male player’s salary. Stuff like that; this is an area where feminist issues are really clear.”

Called Unruly Hockey, the “derby disco party” is intended to re-think sports, athletics and the rules of the game. Participants can play a game of shinny, debate sporting rules or just drink cocoa on the sidelines and join everyone for a midnight skate.

Another highlight is Edgy Lucha, featuring five female fighters in the Mexican lucha libre tradition. Belgian experimental theatre director Marjis Boulogne directs five French-Canadian pro wrestlers in the match, and the halftime show features a new-burlesque act by Winnepeg-based artist Mia van Leeuwen.

This year, the festival has also extended its colloquium, and this year it offers its first full day of speakers. “It’s going to be the weirdest colloquium ever, because it’s going to take place in a boxing club,” says Ginestier. “It involves performative lectures. One of the speakers might drag us to the weight room. There’s so many unknowns that it’s going to be full of surprises, for the artists and the team as well as for the audience.”

“There’s lots of worlds crashing together,” she admits. “There isn’t that much crossover with sports and art.”

Presented by Studio 303, Edgy Women takes place at Blue Cat Boxing Club (535 Beaubien W., 4th floor) and other venues, March 7-9.

Emily Raine

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Rue89 / Blog Balagan / Jean-Pierre Thibaudat / "Marteau, haltères, rugby : Judith Depaule met en scène des sportives" / 29/01/13

Marteau, haltères, rugby : Judith Depaule met en scène des sportives

Marteau, rugby, haltérophilie, ce ne sont pas des sports que la vox populi considère comme naturellement féminins. C’est ce douteux « naturellement » que Judith Depaule interroge à travers les corps et les témoignages vidéo de sportives de haut niveau et de trois actrices (une par discipline), dans trois compositions scéniques très performantes.

Trois spectacles qui peuvent être vus séparément ou, encore mieux, en continuité.

La lanceuse de marteau polonaise

C’est la Polonaise Kamila Skolimowska, championne olympique de marteau à 17 ans et demi, qui va le plus loin dans la contestation du « naturellement ». Elle est persuadée qu’un jour viendra où les femmes dépasseront les hommes. Et dans tous les domaines.

Excepté le poids de la boule métallique (4 kg contre 7,25 kg pour les hommes), rien ne diffère le marteau féminin de sa version masculine. Ni l’aire de lancement, ni la vitesse d’exécution, ni l’entraînement. Et pourtant, ce sport féminin n’a été homologué qu’en 2000 pour les jeux de Sydney. La sportive polonaise raconte comment elle vivait dans l’attente de voir ce sport enfin reconnu comme discipline olympique pour pouvoir participer aux J.O.

Filmée en plongée, une jeune fille espiègle fait l’inventaire historique des idées reçues sur le sport au féminin, qui apparaissent aussi ridicules aujourd’hui que les propos des adversaires du Pacs, et comme seront ridicules dans quelques années les propos actuels contre le mariage homo.

Ainsi, Pierre de Coubertin, l’âme des J.O modernes, pensait, nous dit-elle, que le rôle des femmes dans un stade olympique devait se limiter à couronner les vainqueurs. A quand un match de foot américain féminin avec des hommes en pom-pom boys ?

Performances et tests de féminité

Si l’écran vidéo et les deux moniteurs télé de chaque côté sont plus ou moins communs aux trois spectacles (restitution d’images d’entraînement et travail filmique autour des sportives), il en va tout autrement de l’espace du jeu et du look de l’actrice.

Ici, un tracé au sol reproduit l’angle de lancement du marteau, mais l’actrice (Marie de Basquiat) porte une robe longue. Ce qu’elle fait sur le plateau est à la fois comme un prolongement, un contrepoint de la sportive (j’allais écrire « de l’artiste », mais c’est tout comme) et une transfiguration scénique de la complexité gestuelle du lancer de marteau.

« Corps de femme 1 Pologne » (Mabel Octobre)

Via l’actrice, Judith Depaule met l’accent sur la question du genre. Après avoir évoqué les tests de féminité (obligatoires jusqu’en 1999 pour les sportives effectuant des compétitions), l’actrice interroge le public sur le sujet. Une façon pour Judith Depaule de prolonger ce qui fut son interrogation première au seuil de ce travail :

« La question du genre et de la sexuation de nos comportements provoque chez moi un trouble profond. »

Equipes de rugby féminin en France

Tout au long du second spectacle consacré au rugby féminin, l’actrice (Aude Schmitter) effectue un véritable échauffement (abdos, étirements, courses, etc.) sur un sol vert. La configuration est autre et c’est un sport collectif. Les règles du rugby à 15 féminin sont les mêmes que celles de son homologue masculin et se jouent sur le même terrain.

Ce n’est qu’en 1989 que le rugby féminin a été intégré à la Fédération française de rugby. Il y a un championnat, plusieurs divisions ; c’est un sport en pleine progression. Judith Depaule a interviewé quinze joueuses.

Leurs propos sur la camaraderie, la solidarité avec les nouvelles (le jour des premières douches communes par exemple) et l’affirmation de soi sont autrement plus intéressants que les habituels propos d’après match des joueurs mâles.

Très tonique, charpentée, d’une élégante décontraction, on croirait que l’actrice est elle-même une joueuse de l’Athletic club de Bobigny ou du Rugby club de Soisy-Andilly-Margency, les deux clubs auprès desquels Judith Depaule a enquêté.

La championne de l’haltérophilie turque

Le troisième spectacle nous entraîne en Turquie, où l’haltérophile Nurcan Taylan, née en 1985, fut la première sportive turque à avoir décroché une médaille d’or aux J.O. La force est là centrale. Mais cela ne va pas sans endurance, concentration, coordination et technique millimétrée. Le poids de l’athlète n’est pas proportionnel à celui soulevé. On peut être une femme bien foutue et soulever des poids impressionnants.

« Corps de femme 3 Turquie » (Mabel Octobre)

Judith Depaule a eu la bonne idée de confier le rôle non pas à une actrice, mais à une danseuse, Elisa Yvelin. Fine, gracieuse – mais cela ne se voit pas tout de suite, affublée qu’elle est de faux muscles (biceps, mollets, cuisses), de faux seins et de faux abdominaux.

Le langage est ici d’abord celui du corps et les mouvements de la danseuse à l’heure de soulever les poids sont à peine stylisés, mais son allure la déréalise. Le corps ne ment pas, sauf au théâtre. Le corps de l’actrice-danseuse devient un lieu de projection de réseaux musculaires, de flux sanguins ; tout un langage.

A la fin, alors que la partie vidéo se termine sur une vue de la salle d’entraînement vide en Turquie, une surimpression nous apprend que Nurcan Taylan a été suspendue en 2012 pour quatre ans. Dopage.

Cet enchaînement narratif imprévu conduira tout droit au dernier volet de la tétralogie sur le corps féminin, que Judith Depaule veut achever par un voyage dans l’ex-RDA, auprès de sportives victimes de dopages intensifs. Des femmes que le pouvoir politique voulait fortes comme des hommes pour glorifier le régime, des femmes esclaves des hommes.

Jean-Pierre Thibaudat

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Sportiva Infos / Jacques Cortie / "L’haltérophilie disséquée par la Cie Mabel Octobre" / 29/12/12

L’haltérophilie disséquée par la Cie Mabel Octobre

Du 29 septembre au 2 octobre le théâtre Confluences (Paris – XXe) présente la nouvelle création de la compagnie Mabel Octobre: « Corps de femme 3 – les haltères». Après le lancer du marteau et le rugby c’est donc l’haltérophilie qui nourrit le propos de Judith Depaule avec cette pièce esthétique et sportive qui invite à la réflexion sur le sport et le genre. Un événement.

Judith Depaule, après sa rencontre en Pologne avec Kamila Skolomowska, 1e championne olympique du lancer du marteau à Sydney, et après son immersion dans le rugby féminin au travers de deux clubs franciliens (l’Athlétic Club Bobigny 93 rugby et le Rugby Club Soisy Andilly Margency 95), a choisi de poursuivre son interrogation sur le sport, le corps, le genre et l’inégalité hommes-femmes, en s’immergeant dans le monde de l’haltérophilie.

Elle a pour cela rencontré, à Ankara, en décembre 2010, Nurcan Taylan, née en 1985, première sportive turque à avoir décroché l’or olympique en 2004, championne du monde en 2010 dans la catégorie des – 48kg. Elle a filmé l’athlète dans sa salle d’entraînement, interrogé ses motivations et ses sensations, cerné sa perception d’elle-même et ramené une matière qui alimente ce troisième volet d’une recherche dont l’origine est une interrogation personnelle de la metteure en scène : «Comment résoudre la question du genre ? Je suis issue d’une génération féministe pour qui le problème avait été réglé et j’ai été élevée en conséquence. Or, on se réveille un jour avec l’amer sentiment que ce n’est pas vrai. Comment remédier à ce trouble ? Ces spectacles essaient d’ébranler nos certitudes pour faire bouger les choses… »

Utilisant le matériel de l’haltérophilie, des projections vidéo sur un écran central et sur le corps de l’interprète et le jeu d’une musculature hypertrophiée, la mise en scène de « Corps de femme 3 – les haltères » de la Compagnie Mabel Octobre provoque des aller-retours corps-conscience vivaces et percutants et c’est à un exceptionnel rendez-vous avec une sportive aujourd’hui déchue que cette pièce nous convoque.
L’interprète, qui incarne le cheminement de l’athlète turque, est Élisa Yvelin. Nageuse à l’origine, formée à la danse classique autant qu’au hip-hop, elle a suivi, quatre ans durant, l’enseignement de l’école P. A. R. T. S. à Bruxelles, pratiqué la danse relâchée. Quand elle découvre l’opus précédent, « Corps de femme 2 –  le ballon ovale », elle trouve une similitude entre sportive et artiste par le biais de la douleur qu’elle avait pu ressentir, lorsque la danse contemporaine la confrontait aux duretés physiques. C’était le marchepied pour participer à la troisième création et répondre à l’attente de Judith Depaule : « Je choisis des interprètes qui sont vraiment passées par le sport pour aller vers une symbiose avec les personnages originaux et pour trouver une qualité physique très concrète ».

Entre sport, danse, vidéo et théâtre, le spectacle trace une ligne poétique étonnante alors que tout le témoignage de la championne turque et le jeu de l‘actrice sont installés dans le concret. Après un opus narratif avec le lancer de marteau et l’histoire de Kamila Skolomowska et une seconde création privilégiant les portraits multi-facette avec une équipe de rugby recomposée, cette troisième livraison est passionnante et porteuse d’une performance où le sens passe par la parole de Nurcan Taylan, la performance physique de l’actrice et la prégnance de la technologie.

La série « Corps de femme » constitue sans aucun doute la recherche la plus aboutie sur les difficultés de la notion de genre dans le sport. Cette série s’installe par ailleurs comme un spectacle d’une qualité et d’une originalité aujourd’hui sans égal.

Jacques Cortie

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Le Monde.fr / Florent Bouteiller / "Les sportives tiennent l’affiche" / 07/12/12

Les sportives tiennent l’affiche

Les éditions dfO viennent de sortir un livre entièrement dédié aux athlètes féminines qui ont marqué l’année 2012. Reportages intimistes aux côtés d’Anne-Sophie Mathis et Laura Flessel, portfolios époustouflants, chronologie exhaustive… L’Année du sport féminin 2012 rend hommage à toutes ces sportives, connues ou confidentielles, pour lesquelles le sport est un sacrifice volontaire.

De leurs exploits, on entrevoit rarement le compte-rendu. Pour qu’on parle de ces athlètes, il faut qu’elles enchaînent les grandes performances. Et encore… Alors 2012 allait être leur année. Car les Jeux olympiques permettent cela : un semblant d’égalité pendant deux petites semaines tous les quatre ans entre le sport féminin et masculin. Pour une même discipline, deux univers qui n’ont souvent rien à voir. Combien d’articles sur Lucie Décosse comparé au rouleau compresseur Teddy Riner ? Pour la Guyanaise, triple championne du monde et championne olympique à Londres cet été, l’état de grâce n’aura duré que trois jours. Le temps que rentre dans l’arène son homologue masculin. « Oui, mais Teddy Riner, c’est différent », nous dit-on sans pousser plus avant le propos. Le problème, c’est que ce discours s’applique à presque toutes les disciplines. Et qu’une fois le quart d’heure de gloire passé, nos sportives dégringolent dans les limbes médiatiques quand ceux de l’autre sexe surnagent à la surface. « L’abnégation est féminine », écrit Laura Flessel-Colovic dans la préface de L’Année du sport féminin 2012 (dfO Les Editions, collection « Sportiva »). Et rien ne semble pouvoir donner tort à « la Guêpe », double championne olympique qui a tiré sa révérence sur une ultime joute à Londres.

Redonner la place qui leur est due, voilà le projet de ce livre exclusivement féminin jusqu’aux couleurs de sa couverture rose teintée de violet. Un cliché qui ne cloisonne pourtant en rien les deux genres. Lecteur, femme ou homme, on a plaisir à revivre les exploits, les peurs, les désillusions ou les confessions de nos championnes.

Que penser du parcours d’Anne-Sophie Mathis raconté étape par étape dans le livre ? On suit la boxeuse en pleine préparation de son combat contre l’Américaine Holly Holm à Albuquerque le 15 juin 2012. Le match s’annonce difficile. Un air de revanche flotte. Le 2 décembre 2011, la Française avait mis K.O. son adversaire à la 7e reprise. « Ce deuxième combat était signé au départ. Ce sera quelque chose après ce qui s’est passé en décembre… », pressent Anne-Sophie Mathis en pleine préparation à l’Insep. Le match-retour approche, nous sommes à quelques heures d’une nouvelle confrontation entrer les deux femmes. Dans l’antre de Holly Holm, « la seule fille capable de remplir une arène aux Etat-Unis », selon le promoteur de l’événement Lenny Fresquez, la Lorraine n’a pas le droit à l’erreur. Anne-Sophie Mathis le sait et elle le dit : « Les juges ne me permettront jamais de gagner aux points. Il me faut un nouveau K.O. pour vaincre, ou bien alors… je perdrai. » Dure mais lucide analyse qui sonnera comme une prédiction. La défaite, amère, est au bout du combat. Si encore l’Américaine lui avait infligé un K.O. net et sans bavure, mais la victoire de Holly Holm est des plus contestables. Pendant les 10 rounds, elle a évité toute confrontation pour gagner aux points grâce, notamment, à la passivité des juges. Ajoutez à cela les dimensions du ring qui ont été modifiées la veille au soir (de 5,7 m, il est passé à 7,3 m)… il y a de quoi se poser de sérieuses questions sur les conditions de cette rencontre. Défaite de ses titres IBA et WBF, Anne-Sophie Mathis accuse le coup et se remet en quête de nouveaux challenges. Une nouvelle rencontre contre l’Américaine ? « Chez les filles, il n’y a pas d’obligations comme chez les garçons où il faut remettre en jeu ses ceintures dans des délais assez serrés », écarte René Cordier, l’entraîneur de la Française. A 35 ans, Mathis évoque la boxeuse norvégienne Cecilia Braekhus, une des meilleures européennes du moment. En attendant une hypothétique revanche contre sa « tombeuse » ? L’abnégation est féminine.

Laura Flessel, elle aussi, a terminé sur une ultime défaite. Mais sa cinquième participation aux Jeux olympiques, à Londres, à 40 ans, en tant qu’athlète et porte-drapeau de la délégation tricolore restera sûrement comme sa dernière grande victoire. C’est ce que raconte le reportage de L’Année du Sport féminin 2012, qui a dressé par le menu détail le parcours de Laura Flessel. Car c’est dans une patinoire perdue dans la banlieue de Bratislava que l’épéiste a réussi à décrocher sa qualification pour les JO. « J’avais deux mots en tête : plaisir et baston. Si c’était la dernière fois, il fallait que je n’aie pas de regrets », débriefe celle qui a eu l’honneur un mois plus tard d’être désignée porte-drapeau au siège du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) à Paris.  « J’ai plusieurs fois défilé en deuxième ou troisième ligne lors des cérémonies d’ouvertures, confie-t-elle. Etre en première ligne avec ce drapeau français dans les mains était un rêve et, jusqu’à présent, il y avait comme un goût d’inachevé. Je l’admets. C’est pourquoi je suis si fière. »

Pour autant, les médailles et le haut-niveau ne sauraient résumer le sport féminin. « C’est aussi le moyen de vivre une pratique sur des critères et des objectifs différents, mais tout aussi porteurs d’ambitions ou du moins d’exigence », souligne le livre inaugurant son volet société avec un reportage sur le double dutch. Dans cette partie « sociétale », c’est l’initiative théâtrale de la compagnie Mabel Octobre qui a retenu notre attention. Après la lancer du marteau et le rugby, la metteur en scène Judith Depaule se penche sur l’haltérophilie pour compléter sa quadrilogie « Corps de femme ». Sur les planches, l’actrice Elisa Yvelin incarne Nurcan Taylan, seule haltérophile turque à avoir décroché l’or olympique en 2004 en -48 kg. Une façon pour Judith Depaule d’engager une réflexion sur les motivations d’une athlète à s’infliger de telles souffrances. « Bien sûr, c’est difficile de pratiquer un sport physique quand on est une femme, mais moi je dis : il n’y a pas de poids que la femme turque ne puisse soulever ! », répond Nurcan Taylan comme pour mieux tenir tête aux préjugés qui voudraient que son sport ne soit pratiqué que par des hommes. Et pourtant, même dans ce bras de fer engagé avec la gent masculine, l’athlète cède aux préjugés. « En fin de compte, je suis une femme, je n’aime pas trop dire que je suis forte, car en même temps je suis fragile intérieurement. » Une remarque qui trahit le tiraillement permanent, les contradictions auxquelles ces sportives sont exposées. Laura Flessel avait raison : « L’abnégation est la plus grande force, l’atout cœur, de toute femme pratiquant le sport à haut niveau. »

Florent Bouteiller

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Le Nouvel Observateur / Odile Quirot / "Parité : les filles se rebiffent... et Olivier Py chante Miss Knife" / 18/10/12

Parité : les filles se rebiffent... et Olivier Py chante Miss Knife

Où en sont les femmes ? L’air du temps bruit des questions de parité et de genre. La scène aussi,  comme jamais. Une jeune génération monte à l’assaut, ainsi dans « Modèles » de Pauline Bureau à l’affiche au Rond-Point. Et pendant ce temps-là Olivier Py, ex directeur du Théâtre National de l’Odéon ré-enchante sa Miss Knife transgenre.

Des chiffres accablants

Les femmes ne sont pas très avancées en matière d’égalité dans le milieu du spectacle, si l’on en juge par les chiffres, assez accablants, dévoilés une première fois en 2009, par un rapport signé Reine Prat commandité par la Direction du théâtre et des Spectacles : 84% des théâtres co-financés par l’Etat sont dirigés par des hommes, 78% des spectacles sont signés par des hommes, et on pourrait continuer la liste. Trois ans plus tard, rien de changé.

En ce début de saison la SACD a pris la relève en publiant une plaquette où sa présidente, Sophie Deschamps constate que les femmes « sont pratiquement exclues de la direction des théâtres publics ».
Sans parler des programmations : en juin dernier, lors de la présentation de la première saison de Luc Bondy à l’Odéon, le collectif « La Barbe » avait fait intrusion sur scène et constaté que sur les quatorze spectacles programmés, tous étaient signés par des hommes, auteurs et metteurs en scène confondus… Ajoutons que, lorsqu’une femme crée un spectacle, le budget qui lui est alloué est inférieur à celui d’une production masculine, que lorsqu’elle postule à la direction d’un Centre Dramatique National, et se retrouve en concurrence finale avec des hommes, elle a de fortes chances d’être éliminée, etc…. Dans la plupart des régions, sont nés des collectifs H/F qui luttent pour la parité, ont publié leur Manifeste (à lire sur leur site internet), et concoctent une saison paritaire en Ile de France.

Des spectacles féminins/féministes

Bien sûr il y eut « Les Monologues du Vagin » d’Eve Ensler, un titre provocateur qui cachait pas mal de choses intéressantes déclinées dans toute l’Europe, d’ailleurs ici multiculturelle, femmes voilées y compris. Coté théâtral, tout de même, rien de renversant…. Enfin, tout ceci pour dire que voyant apparaitre sur les affiches françaises des spectacles nommés « Modèles » (Pauline Bureau) « le Sexe faible » ( l’Escabelle Théâtre), « Corps de femmes » (Judith Depaule) cela nous a mis la puce à l’oreille. Sans omettre,avant toute chose, un radical « Untitled feminist show » signé Young Jean Lee venu des États-Unis, programmé début octobre au T2G par le festival d’Automne à Paris, certes à la suite du KunstFestival de Bruxelles, mais en matière de tendance artistique,  un festival toujours en pointe à Paris.

En tenue d’Ève, six performeuses épatantes, loin des canons de beauté, et issues du cabaret néo-burlesque, des Gender Studies ou de l’activisme Queer, jettent le trouble et mettent à mal, avec un humour glacé et sans chair, mais oui,  les codes  attachées à la gent dite féminine et à son sexe. On ne peut pas dire que ce spectacle nous ait soufflée. Mais intéressée, oui. Voici un phénomène de société – tel que savent s’en emparer les universités américaines, leurs gloses et leurs campus d’expériences théâtrales – saisi par la représentation en ce qu’elle a de radical, de politique… L’abattage décomplexé des artistes nous a fait penser aux vamps performeuses et effeuilleuses du Cabaret New Burlesque découvertes dans « Tournée » le film de Mathieu Amalric. D’ailleurs celles-ci continuent leur tournée sur les scènes françaises, ravies de s’encanailler avec elles, sans plus s’interroger (dont du 22 au 25 novembre à Bonlieu, Scène nationale d’Annecy).

La puce à l’oreille donc, nous voilà planchant un peu sur la question.
Où n’avions-nous pas mis les pieds, tant les rapports hommes/femmes agitent, font couler de l’encre, et parfois de sang, il faut le dire, en ces temps d’extrémisme islamiste, en ces temps où les chiffres de viol, en France, et le plus souvent par des proches de la  famille, restent hallucinants. Il y a du pain sur la planche. Mais avions-nous lu, outre les ouvrages de l’incontournable Judith Butler, les réflexions sur le sujet de deux philosophes français, Eric Fassin et Geneviève Fraisse ? Non (et on a tort bien sûr). Mais on a dévoré un ouvrage intitulé « Théâtre et Féminin.Identité, sexualité et politique » de Muriel Plana (éditions Universitaires de Dijon), et « Metteuses en scène : le théâtre a-t-il un genre », un numéro de l’excellente revue Outre-Scène, édité en 2007 par le TNS époque Stéphane Braunschweig. On aurait pu continuer. On a renoncé. Pas le temps : au charbon !

On ajoutera tout de même « La Domination masculine » de Pierre Bourdieu.

D’ailleurs c’est l’un des textes (avec ceux de Marguerite Duras et de Virginie Despentes) retenus par la bande de « Modèles » menée par Pauline Bureau avec sa compagnie la Part des Anges. Et les « anges » ne sont pas sages.  Travailler sur l’affirmation de Simone de Beauvoir «On ne nait pas femme, on le devient.» leur a inspiré une sorte de cabaret/conférence assez décoiffant et au fond souriant qui se clôt par un : « Je suis féministe ».
On croyait l’époque révolue. On comprendra pourquoi on se trompait en écoutant les confidences personnelles dont elles émaillent leur spectacle: propos sur leurs peurs, leurs fantasmes, sur les manuels scolaires arriérés qui furent encore les leurs, sans parler des contes avec prince charmant, propos sur les femmes « idéales » au travail au four et au moulin, sur le machisme du milieu du spectacle. Elles se nomment Sabrina Baldassarra, Laure Calamy, Sonia Floire, Gaëlle Haussermann, Marie Nicolle et aussi…Vincent Hulot, le musicien qui les accompagne, car elles chantent aussi ces comédiennes (dont « Fuck You ») et diablement bien. Elles jouent avec les clichés. L’ensemble est sympathique, plaisant. Il est dans l’air du temps, tonique, joli, émouvant sans être vraiment dérangeant.

Juste un peu d’histoire

« Modèles » a été crée (tout comme «Corps de femme» de Judith Depaule) en 2011 au CDN de Montreuil alors dirigé par Gilberte Tsaï, qui avait intitulé une part de sa saison : « Que deviennent les femmes ? » Bonne question, trop modestement posée par une femme (et son équipe, dont Violette Belakdi) qui, au fond, a mis tout son talent dans la renaissance d’un théâtre, le centre Dramatique National de Montreuil. Gilberte Tsaï n’a pas monté que de bons spectacles, tant s’en faut, et surtout quand  d’ailleurs elle s’est sentie obligée d’en passer par le chemin des autres, les hommes, les directeurs d’institutions, les metteurs en scène de classiques. Quand elle a monté Goldoni, où Gorki, elle  voulait se couler dans un moule qui ne lui allait pas, elle ne s’autorisait pas (n’osait pas, ou ne savait pas ?) diriger des acteurs. Mais il en allait tout autrement quand elle s’aventurait sur son territoire, notamment le temps d’ »Une nuit à la bibliothèque » avec  Jean-Christpohe Bailly, aujourd’hui son mari et bel auteur d’un « Dépaysement » désormais célébré. Dire qu’il fut reproché à Tsaï, par la Direction du Théâtre, de faire travailler ce grand écrivain poète longtemps marginal ? On rêve. Faites le compte des directeurs de théâtre à qui on ne pense même pas reprocher d’employer leurs femmes ou maitresses ?

Ce qu’elles en disent

« On nous a élevées en nous disant que les femmes et les hommes c’était pareil. Pour ma génération, qui avait duative, il y avait des choses censées être réglées. Or, non. Alors on s’interroge, on interroge y compris notre propre misogynie, notre histoire personnelle dont nous nous apercevons qu’elle est partagée par beaucoup d’entre-nous » constate Pauline Bureau, une ancienne élève du Conservatoire National supérieur, promotion 2004.  Avant de signer « Modèles » elle a monté Shakespeare, Koltès…

Rien ne prédestinait non plus Judith Depaule à entamer une série « Corps de femme » où elle questionne la dérangeante rencontre entre la féminité et le sport de haut niveau. Lauréate de la Villa Médicis Hors les Murs, cette jeune femme qui a fondé sa compagnie Mabel Octobre s’est fait vite repérer. Elle a travaillé avec le groupe Sentimental Bourreau, signé des spectacles, pour une bonne part inspirés de sa passion pour la Russie, sur le goulag, les premiers cosmonautes.
« Ce sont la liberté et le dépassement de soi qui m’intéressent » dit-elle. « Or dès qu’une femme veut aller sur le territoire du sport, profondément masculin, on la suspecte. Le sport est un territoire sexué et symbolique. » Après les tests gynécologiques que les sportives de haut niveau devaient subir dans les années quarante, pour prouver qu’elles étaient des femmes, place aux tests chromosomiques, puis à l’analyse du taux de testostérone qui en matière de féminité réserve des surprises… Bon, sur le chapitre, les curieux liront, comme l’a fait Judith Depaule, l’étude d’Anaïs Bohuon « Le test de féminité dans les compétitions sportives, une histoire classée X ? » (ed.iXe). Encore un livre. Mais sur scène, que se passe t-il ?

On verra la manière délicate, raffinée, avec laquelle Judith Depaule s’empare du corps et de l’esprit des sportives de haut niveau, ainsi dans « Les Haltères » d’après le portrait de la turque Nurcan Taylan, championne du monde d’haltérophilie 2010 des moins de 48 kg, qu’elle a interrogée, filmée. « Les Haltères » tient de la performance chorégraphiée : sur le corps de la fine danseuse qu’est Élisa Yvelin, s’inscrivent de belles images de veines, des lignes, tout un fin travail vidéo. Plus qu’un spectacle, c’est un travail de laboratoire. On reste un peu en appétit. On n’a pas vu les épisodes précédents « Le Marteau » et « Le Ballon ovale ». Un quatrième volet est en préparation en Allemagne. L’ensemble sera repris en France l’automne prochain : Judith Depaule a de la suite dans les idées, son projet est européen. « A priori, dit-elle, ma génération, grandie après le féminisme des années soixante-huit, ne se sentait pas beaucoup concernée par ces questions ». Où l’on voit qu’à postériori, oui.

On ne va pas dresser la liste des femmes auteurs et metteurs en scène de talent qui ne prennent pas de manière frontale la question  de la féminité. Pensons par exemple à Christine Letailleur qui aborde sur scène de manière sulfureuse la question du désir.

Parlons, parce que l’on découvre son travail, de Carole Thibaut, cette fois une farouche militante du mouvement H/F,  résolument pour la parité : « Mais regardez, les spectacles signés par des femmes sont la plupart du temps programmées dans des lieux à la circonférence de Paris et ses grandes salles » affirme (et constate) cette auteur/metteur en scène qui s’excuse de sembler contradictoire, soit d’être une féministe avec des ongles vernis rouge. Bon, passons. Avec sa compagnie Sambre, Carole Thibaut a en tout cas fait de la représentation de la femme le sujet de ses « Petites empêchées. Histoire de princesses » et de « Fantaisies. L’idéal féminin n’est plus ce qu’il était ». Un texte plutôt du genre « intervention », pas convaincant sur le plan littéraire, à la lecture ; en tout cas un sujet qui n’est pas l’objet premier de « L’Enfant, drame rural » (La Tempête, jusqu’au 27 oct, tournée dans les ATP jusqu’en juillet). Autour d’un enfant trouvé que personne ne veut prendre en charge, hormis la simplette du village dont chaque homme du village a abusé, Carole Thibaut écrit une fable noire qui s’achève dans le feu, la destruction totale. L’auteur met en jeu, via des personnages bien campés, les fantasmes du pouvoir masculin, de la femelle souillée par tous, que tous veulent abattre, et la domination sexuelle de la bourgeoise sur le prolo. Elle sait créer une atmosphère pesante, elle manie avec aisance le cut-up entre les scènes. Ses acteurs (dont Marylin Even, Thierry Bosc, Fanny Santer) ont du tempérament. On pense, un peu, à «Scènes de chasse en Bavière ». Il y a du talent, mais au fond cette parabole archaïque et rurale est de l’ordre du spectacle bien fait, pas bouleversant. Il n’est pas le seul soit dit en passant, on vous fait grâce des autres, sous peine de vous lasser, la plupart signés par des hommes, tant sur les scènes privées et publiques. Ce qui n’empêche pas de critiquer les femmes, ce qui serait un comble du politiquement correct, mais n’interdit pas de se demander à quel prix, où et comment vont les femmes artistes. Ont-elles les mêmes moyens que les hommes ? Pas sûr. Sorties de leurs rôles d’actrices, jeunes et séduisantes si possible, quelle est leur place sur scène, à la mise en scène, à la technique ? N’ont-elles pas intériorisée, sous peine de passer pour des passioniarias mal baisées (pardon), leur rôle de second, d’empêchée. Il est d’ailleurs à noter que que les très rares femmes metteurs en scène de théâtre, génération soixante-huit et après, n’ont eu de cesse que de s’affirmer d’abord comme artistes. Jamais Ariane Mnouchkine n’a revendiqué le terme de « metteuse » en scène.

Bref, ce débat sur le féminisme, le genre au théâtre, la parité, tout ça, vous l’aurez-compris, concerne LA journaliste (nom au genre indéfini, ouf) que je suis, car au fond les filles ont raison. Mais la guerre étant partout, il serait triste que les hommes et les femmes de théâtre en soient venus à prendre les armes. Allez, les hommes, encore un effort pour être républicains, comme disait Sade. Et au fond on se régale que par un heureux concours de circonstance, on puisse dire un mot de…

Miss Knife : Olivier Py se travestit

Les questions sulfureuses du sexe et du genre – est-il un homme ou une femme ? – ont toujours intéressé, et amusé, Olivier Py. L’auteur et le metteur en scène sait bien qu’autrefois sur les scènes seuls les hommes étaient habilités à jouer, y compris les rôles de femmes. Il n’a jamais caché son homosexualité. Il a de l’audace, et le feu sacré comme on dit, sur une scène. Il s’est créé un personnage de cabaret, Miss Knife, avec perruque blonde et robe paillettes, faux cils et maquillage qui coule, avec les larmes. Py écrit de belles chansons tristes, dont un « Ne parlez pas d’amour » à craquer. Il les chante avec un art de l’ellipse mélodique et une gourmandise de diction formidable, sur une musique signée Stéphane Leach. Le tout est à lire et à écouter sur un CD (Actes Sud) et/ou en « live » : l’ex directeur viré de l’Odéon (il signe aussi actuellement un « Rake’s Progress » de Stravinsky à Garnier) est en compagnie de sa « créature de rêve » sur la scène de l’Athénée jusqu’au 27 octobre, puis en tournée jusqu’en mai.  Est-il homme ou femme ? En tout cas, il n’hésite pas à séduire, ça ne fait pas de mal.

Odile Quirot

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Radio Campus Paris / Magali Chiappone et Liane Masson / "Émission Pièces détachées / Théâtre et politique" / 01/10/12

Émission Pièces détachées / Théâtre et politique

Commentaires de Magali Chiappone et Liane Masson à écouter sur www.radiocampusparis.org/2012/10/theatre-et-politique/ (à partir de 7min48) ou ICI.

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Froggy's Delight / Laurent Coudol / "Corps de femme 3 - les haltères" / 30/09/12

Corps de femme 3 - les haltères

Espace Confluences – Paris – septembre 2012

Spectacle conçu et mis en scène par Judith Depaule et interprété par Élisa Yvelin.

«Corps de femme 3 – Les haltères» est le troisième volet de la quadrilogie que Judith Depaule consacre aux femmes dans les sports réputés masculins parce qu’ils exigent une importante force physique.

Après le lancer de marteau à travers le cas de l’athlète polonaise Kamila Skolimowska, première championne olympique dans sa discipline («Corps de femme 1 – Le marteau») et le rugby à travers des portraits de joueuses de clubs d’Île-de-France («Corps de femme 2 – Le ballon ovale»), Judith Depaule consacre ce chapitre à la championne du monde 2010 d’haltérophilie dans la catégorie des moins de 48 kilos, la turque Nurcan Taylan qui peut lever une masse équivalente à deux fois et demi celle de son propre corps. Fille d’un ouvrier qui travaillait la fonte, elle a découvert l’haltérophilie au collège avec un professeur de sport ancien membre de l’équipe nationale.

Ce volet est certainement le plus ambitieux en terme de mise en scène. Judith Depaule quitte le registre de la sociologie pour s’intéresser presque uniquement au corps de la championne turque.

Lorsque celle-ci se livre, même si elle déclare à un moment être une femme sentimentale et fragile, elle n’évoque le reste du temps que l’entraînement, la répétition des mouvements, et sa fierté de mettre sa force au service du rayonnement de la Turquie. Jamais elle n’interprétera cette enveloppe charnelle en terme d’objet désirable ou désirant.

Judith Depaule s’attache donc à rendre compte des modification du corps de l’haltérophile sous l’effort durant les entraînements. A partir de là, quelle est l’essence de la féminité, comment se manifeste cette féminité, comment Nurcan Taylan parvient-elle à vivre son être femme à travers un corps musclé, et pourtant étonnement peu massif, qu’elle a fait travailler des années durant pour qu’il devienne un outil de puissance?

Un corps de femme mais un corps forcément maltraité, des muscles meurtris sous les charges, une structure qui gardera des séquelles d’un entraînement intensif. A l’écran, la championne turque semble toujours très seule.

Comme lors des précédents volets, devant l’écran, une actrice joue le rôle de l’haltérophile, mais Elisa Yvelin est autant danseuse et mime qu’actrice. Son corps, d’abord totalement emprisonné dans un costume de muscles de baudruche qui déforme sa silhouette, incarne la légèreté dans une enveloppe ambiguë.

Elle amplifie les aspects les moins spectaculaires de l’haltérophilie, la vitesse, la technique des mouvements, la déformation du visage sous l’effort. En projection de lumières sur le corps de la danseuse, les organes de l’haltérophile s’animent, son coeur palpite de plus en plus vite, son flux sanguin s’accélère, sa pression artérielle augmente, ses muscles se bandent et libèrent la force brute nécessaire pour soulever la fonte. Sa prestation est remarquable, entre fragilité et fierté, à l’image de la championne.

La mise en scène intelligente de Judith Depaule effectue un mouvement de bascule entre présence physique de l’actrice danseuse et insertions de vidéo. Ce balancement rappelle les mouvements horizontaux des barres de fonte soulevées puis lâchées sur le plateau. De même, un petit personnage dessiné crée ce mouvement de balancier entre l’écran et la scène lorsqu’il est projeté sur le corps de la danseuse.

Les mouvements se déroulent sur un fond de bruits de poids levés puis relâchés au sol. Bruits métalliques et répétitifs de la salle d’entraînement qui rappellent certains morceaux anciens d’Einstürzende Neubaten.

«Corps de femme 3 – Les haltères» est donc une surprise par rapport aux autres volets. Ce spectacle est plus visuel que les précédents, s’intéressant au physique plus qu’à la féminité, il est plus corporel, moins intellectuel, plus dansé, moins interprété. Et pourtant il s’intègre à l’ensemble de manière cohérente.

Il peut aussi être vu sans connaître le reste de l’oeuvre de Judith Depaule, car elle y exprime une vraie vision de femme et la prestation d’Elisa Yvelin est puissante.

Nurcan Taylan a été, en juin 2012, suspendue pour dopage. Ceci a certainement été une surprise pour Judith Depaule alors que le spectacle était presque complètement écrit et mis en scène. Mais cette actualité lui offre une transition parfaite pour le quatrième volet qu’elle prépare pour 2013 et qui sera consacré aux produits dopants.

Laurent Coudol

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Les Quotidiennes / Barbara Polla / "Corps de femme: l’haltérophilie à rebours du bon sens?" / 28/09/2012

Corps de femme: l’haltérophilie à rebours du bon sens?

« Il sera écrit dans les livres d’histoire que la première championne olympique turque était Nurcan Taylan. Mes enfants, les enfants de mes enfants, tout le monde le saura. »

Ainsi parle l’haltérophile Nurcan Taylan, championne du monde 2010 des moins de 48kg et désormais suspendue pour quatre ans pour dopage. Judith Depaule , directrice artistique de la compagnie MABEL OCTOBRE, est allée à sa rencontre en Turquie, dans le cadre d’un projet européen que la scénographe poursuit sur la question du « corps de femme » à travers des portraits de sportives, lanceuse de marteau, rugbywomen, haltérophile. Selon Judith Depaule, « La question du genre et de la sexuation de nos comportements provoque chez moi un trouble profond. Elle me renvoie à la bicatégorisation homme-femme, à la systématisation et au besoin de normes de la société dans laquelle je m’inscris. Elle est au centre des contradictions auxquelles je suis en proie dans mon rapport aux autres, hommes comme femmes. Elle s’impose, dans mon parcours, comme un territoire nécessaire d’exploration. »
Après Le ballon ovale, merveilleux témoignages de rugbywomen, Judith Depaule crée aujourd’hui le spectacle Corps de femme 3 – les Haltères. A voir et à penser.

« L’haltérophilie, c’est toute ma vie »
Paroles de sportive : « C’est au collège que j’ai découvert l’haltérophilie. Mon professeur de gymnastique était un ancien haltérophile de l’équipe nationale, il entraînait les filles. J’étais une enfant têtue et très courageuse. Je n’étais pas sociable, je passais tout mon temps à m’entraîner. »
« Ma première compétition, c’étaient les championnats de Turquie. J’ai gagné dans la catégorie des – de 56kg, alors que je ne pesais que 41kg. J’ai battu le record. Je suis devenue la mascotte de l’équipe. J’étais super heureuse à cette époque. Mes entraîneurs me disaient que plus tard je remporterai de bons résultats. »
« L’haltérophilie c’est toute ma vie. Quand je m’entraîne je me sens plus légère. Je n’ai pas pu participer aux championnats du monde 2011 à Paris, ni aux jeux olympiques à Londres. »

Apprendre à perdre
Et je repense à ce que me disait Michel Balestra il y a quelques années : « La période du sport a été la plus heureuse de ma vie, parce que je faisais des efforts inhumains pour des objectifs inutiles. Entre l’âge de seize et vingt six ans, j’ai pratiqué l’haltérophilie. On s’exerçait dans une cave du Lignon, il y avait quelque chose de magique – l’âge, l’émotion des compétitions, la rigueur de la préparation, le rêve d’être le plus fort et le meilleur… l’ensemble créait une situation psychologique extraordinaire. Il n’y avait pas de truc, rien à voir avec l’image. Tu soulèves le poids le plus lourd alors tu es le plus fort. Le transfert de responsabilités est impossible: l’individu ne peut compter que sur lui-même – mais entouré des autres. C’est probablement pendant cette période que je suis devenu profondément libéral. Être libéral: un état d’esprit qui te conduit à comprendre que tu obtiens ce que tu mérites. Tu apprends, tu existes. Et tu apprends aussi à perdre. »

Tu obtiens ce que tu mérites ? Pas sûr. Il me semble souvent que le mérite n’existe pas. Il y a la discipline, certes, et puis il y a la chance, ou la mal-chance. Et souvent on ne sait pas, de quel côté est l’une, l’autre. Michel Balestra, lui, a arrêté l’haltérophilie quand il a cru comprendre que, pour poursuivre, il devrait lui aussi se doper. C’est peut-être dans ce type de renoncements que se trouvent les plus grandes chances – contrairement à ce que certaines idéologies de la « réussite » promeuvent.

Barbara Polla

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Égalité Infos / Moïra Sauvage / "Forte comme une turque !" / 28/09/12

Forte comme une turque !

Haltères, rugby, marteau… Des sports qu’on conjugue rarement au féminin. C’est pourtant vers ces pratiques que la metteuse en scène Judith Depaule s’est tournée pour aborder le thème du corps des femmes dans le sport. Sur ce sujet, si rarement abordé, elle présente demain à Paris la dernière partie d’une trilogie « Corps de femme », avec une œuvre axée sur l’haltérophile Nurcan Taylan, première sportive turque à avoir remporté l’or olympique en 2010. Elle y interroge avec brio la question du genre et de la sexuation de nos comportements.

Pourquoi ce travail sur les sportives ?
J’ai toujours été fascinée par l’halthérophilie : enfant, je guettais leur compétition lors des retransmissions télévisées ! Mais j’ai surtout choisi ce sujet car après avoir été élevée par une mère soixante-huitarde, et avoir cru que tout avait été gagné pour les filles, je me suis rendu compte à l’âge adulte que ce n’était pas vrai ; je suis par ailleurs passionnée par les sportifs et le dépassement de soi qui leur est demandé. Alors comment ne pas tourner mon interrogation d’artiste vers ces efforts et les questions qu’ils posent à la féminité traditionnelle ?

En 2008, j’ai abordé le lancer de marteau avec une championne polonaise, Kamila Kolimowska, puis, en 2010, j’ai rencontré deux équipes françaises de rugby féminin. Aujourd’hui, c’est avec une Turque que je travaille. Je construis mes spectacles à partir d’interviews et de vidéos. J’aurais pu choisir la boxe, mais elle a déjà inspiré beaucoup d’œuvres, des films ou des documentaires. Les sports que j’ai choisis remettent véritablement en question les stéréotypes : on dit par exemple que ces sportives sont laides, difformes, immondes, même ! Ce que je montre se trouve ainsi dans une zone qu’on veut ignorer, dont on n’aime pas parler ; or le sport est le monde du corps et il me semble très utile pour briser ces stéréotypes.

Pourquoi avoir été enquêté en Pologne ou en Turquie ?
Cela dépend en effet des pays. Le marteau et l’haltérophilie sont plus pratiqués par des femmes des pays de l’Est, de Cuba ou de Chine tandis qu’en France, la fédération d’athlétisme ne met pas assez en avant les filles, sauf pour la course. Ce qui m’a intéressée, c’est que ces sportives, qui vivent dans une solitude hallucinante – à la différence du rugby où l’équipe peut former une « famille » – traversent des épreuves très fortes qui leur donnent sur la vie un regard unique.

Vous accompagnez souvent vos spectacles de débats, dans quel but ?
En tant qu’artiste, on pose des questions, on ne donne pas de réponses ! Or ce que je mets en lumière interroge le rapport à l’autre sexe. Il s’agit d’essayer de comprendre les mécanismes du genre, et les notions floues ou absurdes de la masculinité/féminité. Cela provoque souvent des réactions épidermiques chez les spectateurs qu’il est bon d’analyser ensuite. Je fais donc venir des chercheurs, des universitaires : après ma pièce sur le rugby, j’ai par exemple donné la parole à une sociologue spécialiste de ce sport, Hélène Joncheray. Elle a essayé de démontrer l’à priori de violence qui entoure le sport. Mais j’aime aussi montrer mes spectacles à des classes de collégien-ne-s ou de lycéen-ne-s, afin de changer leur regard sur leurs relations à la fois à leur propre corps et à l’autre sexe. J’ai même animé des ateliers avec eux où je les fais écrire avec leurs mots ce qu’ils ressentent. C’est très important, car il y a un gros travail à faire sur les stéréotypes des jeunes !

Si je peux aider à faire évoluer les mentalités, ne serait-ce qu’un petit peu, à briser les frontières entre le sport et le monde de la recherche, qui sont encore très cloisonnés, tant mieux. Pour qu’un jour on ne pense plus, par exemple, que les sportifs sont bêtes et peu cultivés, et pour que les femmes osent, en choisissant le sport qu’elles souhaitent, dire que leur corps leur appartient !

Moïra Sauvage

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