Oxygène

d’après Ivan Viripaev

Oxygène est la deuxième pièce d’Ivan Viripaev, comédien, metteur en scène, auteur et cinéaste russe. Elle est devenue le symbole d’une génération en manque de sens et de souffle dans un monde à la dérive. Les références religieuses qui sous-tendent le texte trouvent auprès d’un public africain un écho immédiat, établissant un pont a priori inattendu entre Russie et Afrique centrale.

durée env. 1h
captation vidéo disponible sur demande en DVD
création à la Halle de la Gombe – centre culturel français, Kinshasa, le 24 avril 2010
tout public

INTENTION

L’auteur

Oxygène est la deuxième pièce d’Ivan Viripaev, comédien, metteur en scène, auteur et cinéaste russe né en 1974. Écrite en 2003 et mise en scène par l’auteur, la pièce a immédiatement rencontré le succès, faisant le tour des festivals internationaux et remportant de nombreux prix. Elle est devenue le symbole d’une génération en manque de sens et de souffle dans un monde à la dérive. Traduite dans plusieurs langues, elle est montée un peu partout en Europe. En 2009, Ivan Viripaev a adapté sa pièce au cinéma et réalisé un film du même nom.

La génèse

La pièce avait déjà été abordée par la metteur en scène française, Judith Depaule, en 2006, dans le cadre d’un atelier sur l’usage de la vidéo au théâtre, organisé par le festival Mantsina sur scène de Brazzaville. Elle avait suscité un vif intérêt de la part du public congolais. C’est à cette occasion, que Cajou Mutombo a découvert la pièce d’Ivan Viripaev et a proposé à Judith Depaule de venir la monter à Kinshasa, lors d’une résidence de création à la Halle de la Gombe (Centre culturel français).

La pièce

Chacun d’entre nous a besoin d’oxygène pour respirer, mais hormis l’air (CO2) qui fait danser nos poumons, de quoi avons-nous vraiment besoin pour exister ? Comment chacun d’entre nous vit ? Au nom de quel essentiel ? Telles sont les questions que posent la pièce. En prétexte, Sacha aime Sacha et, à travers cet amour, les grand principes de l’humanité, tirés de versets de la bible, sont éprouvés en dix compositions. LUI et ELLE s’affrontent dans le champ de leurs différences profondes, inconciliables, à l’image de la confusion qui règne autour d’eux, sur l’ensemble de la planète. Nés dans les années soixante-dix du 2Oe siècle, ils sont les représentants d’une génération asphyxiée, en perte de repères.

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EXTRAIT DU TEXTE

EXTRAIT

traduction Elisa Gravelot, Tania Moguilevskaia, Gilles Morel
publié aux Solitaires Intempestifs

composition n°1

danses

1. couplet
Lui

Avez-vous entendu, ce qui a été dit aux anciens : « Tu ne tueras point ; celui qui tuera, sera jugé » ? Moi je connaissais un homme, qui était vraiment dur d’oreille. Il n’a pas entendu, quand il a été dit, tu ne tueras point, peut-être, parce que, il avait un baladeur sur les oreilles. Il n’a pas entendu le, tu ne tueras point, il prend une pelle, il va au potager et il tue. Puis il revient à la maison, pousse la musique plus fort, et commence à danser. Et cette musique était si risible, si risible que ses danses à lui sont devenues aussi risibles que la musique. Et ses épaules sont devenues risibles, et ses jambes, et les cheveux sur sa tête, et ses yeux. Les danses commencent à l’emporter, à l’emporter, et elles ont fini par l’emporter dans un pays nouveau. Dans ce pays, il n’y avait que mouvement, que danses et danses. Les danses l’emportaient, l’emportaient et elles ont fini par l’emporter si fort qu’il a décidé de rester pour toujours dans ce pays, et il a décidé, qu’il ne passerait plus une minute sans danser, qu’il ne ferait que danser et danser.

refrain

Et en chaque homme il y en a deux qui dansent : le droit et le gauche. Le premier danseur, c’est le droit, l’autre c’est le gauche. Deux poumons du danseur. Deux poumons. Le poumon droit et le gauche. Et en chaque homme il y en a deux qui dansent:  son poumon droit et son poumon gauche. Les poumons dansent, l’homme reçoit de l’oxygène. Si on prend une pelle, et qu’on frappe l’homme sur la poitrine au niveau des poumons, alors les danses s’arrêtent. Les poumons ne dansent pas, l’oxygène n’arrive plus.

2. couplet

Et cet homme n’avait pas de problème pour danser, mais pour entendre. Pendant qu’il dansait, ses amis sont venus chez lui en voitures, tous des bandits, comme lui. A cause des danses, il ne les a pas entendus entrer dans la maison. A cause des danses, il n’a pas entendu l’un d’eux crier : «Kesta, Saniok, putain, perdu la boule, kestafoutu, putain?! T’as quasi coupé ta femme en morceaux, putain. Saniok, kesta, t’entends pas ? Kestafé, t’as déraillé, t’as disjoncté ? » Mais, à cause du baladeur, Saniok n’entend pas que son ami lui parle. Alors son ami, le frappe quatre fois au visage, deux fois au ventre, et une fois à la poitrine. Les danseurs dans la poitrine s’arrêtent, et Saniok tombe sur le sol en essayant, de trouver de l’oxygène avec sa bouche.

refrain

Et en chaque homme il y en a deux qui dansent : le droit et le gauche. Le premier danseur, c’est le droit, l’autre c’est le gauche. Deux poumons du danseur. Deux poumons. Le poumon droit et le gauche. Et en chaque homme il y en a deux qui dansent: son poumon droit et son poumon gauche. Les poumons dansent, l’homme reçoit de l’oxygène. Si on prend une pelle, et qu’on frappe l’homme sur la poitrine au niveau des poumons, alors les danses s’arrêtent. Les poumons ne dansent pas, l’oxygène n’arrive plus.

3. couplet

Voilà que ce Saniok, est couché par terre, cherche l’oxygène avec ses lèvres, et tout à coup, il sent, que les danseurs dans sa poitrine se remettent à bouger. Alors il demande à ses amis, tous des bandits, comme lui, qu’est-ce que vous voulez. Et son ami, celui, qui l’a tabassé, répète sa question, à propos de sa femme découpée avec la pelle dans le potager. Et quand Saniok, comprend la question, comprend, ce qu’on lui demande, et ce qu’on entend par là, voilà ce qu’il répond. Il dit, qu’il a découpé sa femme avec la pelle dans le jardin, parce que, il est tombé amoureux d’une autre femme. Parce que, sa femme, avait les cheveux noirs, alors que celle, dont, il est tombé amoureux les a roux. Parce que, dans une fille aux cheveux noirs et aux doigts courts et potelés, il ne peut pas y avoir d’oxygène, alors que dans la fille aux cheveux roux, aux doigts fins, et qui porte le prénom masculin Sacha, de l’oxygène, il y en a. Et quand, il a compris, que sa femme n’est pas oxygène, alors que Sacha est oxygène, et quand il a compris, que sans oxygène on ne peut pas vivre, alors, il a pris une pelle, et a coupé les jambes des danseurs, qui dansaient dans la poitrine de sa femme.

refrain
Et en chaque homme il y en a deux qui dansent : le droit et le gauche. Le premier danseur, c’est le droit, l’autre c’est le gauche. Deux poumons du danseur. Deux poumons. Le poumon droit et le gauche. Et en chaque homme il y en a deux qui dansent: son poumon droit et son poumon gauche. Les poumons dansent, l’homme reçoit de l’oxygène. Si on prend une pelle, et qu’on frappe l’homme sur la poitrine au niveau des poumons, alors les danses s’arrêtent. Les poumons ne dansent pas, l’oxygène n’arrive plus.

final

Et dans chaque femme, il y en a deux qui dansent, et chaque femme absorbe de l’oxygène, mais toute femme ne peut pas être elle-même oxygène. Et si on dit à l’humanité « Tu ne tueras point », mais qu’on ne lui fait pas le plein d’oxygène, alors il y aura toujours un Saniok d’une petite ville de province qui, pour pouvoir respirer, pour que ses poumons dansent dans sa poitrine, prendra une pelle oxygénée, et tuera sa femme non oxygénée. Et il pourra respirer à pleins poumons. Parce que quand il a été dit « Tu ne tueras point », il avait un baladeur sur les oreilles, et les danseurs dans sa poitrine l’emportaient dans un autre pays, un pays, où il n’y a que danses et oxygène. Et celui qui lui dira « La châsse est un homme fini », sera jugé par le sanhédrin. Et celui qui dira « Il est fou », sera jugé par les flammes de la géhenne.

ÉQUIPE

mise en scène Judith Depaule
peinture et scénographie Freddy Mutombo
lumière et régie Audy Nkebani
costumes Cady Kabala
avec Chanterelle Piya, Cajou Mutombo et Molly Mokelenge (musique)

PRODUCTION

Mabel Octobre (France), Théâtre des Malaïka (RDC), Cultura tiesses (Congo Brazzaville)
coproduction Centre culturel français de Kinshasa
en partenariat avec Air France, Ecurie Maloba, Eza possibles, AGB imprimerie