INTENTION
« La question du genre et de la sexuation de nos comportements provoque chez moi un trouble profond. Elle me renvoie à la bicatégorisation homme-femme, à la systématisation et au besoin de normes de la société dans laquelle je m’inscris. Elle est au centre des contradictions auxquelles je suis en proie dans mon rapport aux autres, hommes comme femmes. Elle s’impose, dans mon parcours, comme un territoire nécessaire d’exploration.
L’accès au sport pour les femmes a fait l’objet d’un long combat avec le corps médical qui pensait (et pense encore) que la fonaction première du corps de la femme est la procréation, que la pratique sportive, en entraînant le déplacement de l’utérus, le rétrécissement du bassin et autre durcissement de la fibre musculaire, viendrait pervertir, altérer voire annuler. Les médecins ont dénoncé, entre autres, l’immoralité de l’usage féminin de la bicyclette ou du cheval monté à califourchon. Le masculin préfère voir la femme dans un corps contraint dont il dispose et qu’il maîtrise, non expansif si ce n’est pour son plaisir, en bref non émancipé. De fait, le sport déplace le corps de la femme sur un territoire déjà occupé.
L’instigateur des jeux olympiques modernes, Pierre de Coubertin, était d’avis que le rôle des femmes devait se limiter à couronner les vainqueurs, interdisant aux femmes l’accès aux compétitions. Si leur participation aux jeux et à l’ensemble des disciplines sportives est en constante progression, notamment depuis les années 60, elle s’accompagne de la remise en cause de leur effective féminité. Après avoir imposé des tests de féminité aux sportives jusqu’en 1999 (certificat, examen gynécologique, contrôles chromosomiques X ou Y), le Comité International Olympique tolère encore à Beijing, en 2008, durant les JO d’été, la tenue d’un laboratoire de détermination du sexe pour les sportives à la morphologie douteuse. Durant l’été 2009, l’apparence physique et la performance de la jeune coureuse sud-africaine Caster Semenya sur 800 m. ont mis le monde sportif en émoi.
À l’heure où l’Europe place la parité au coeur de ses préoccupations, le sport reste un révélateur d’inégalités. En témoignent les résistances que les fédérations rencontrent pour le développement de certains sports au féminin, quand elles n’en sont pas elles-mêmes le principal frein. De leur côté, les médias accordent très peu de moyens et de place aux pratiques féminines et s’imposent comme une institution sociale de canonisation de féminité et de masculinité. La puissance physique brute – que de nombreux sports exigent – continue à être perçue comme une preuve matérielle et symbolique de l’ascendance biologique des hommes. Plus le sport est dit viril, plus la femme qui l’exerce doit être avenante et afficher les marqueurs obligés de la féminité. Plus la sportive est compétitive, plus elle doit être irréprochable quant à l’authenticité de son sexe.
Cette réflexion m’a conduite en Pologne jusqu’à Kamila Skolimowska, première championne olympique du lancer du marteau féminin. Discipline homologuée en 2000 à Sydney, considérée comme l’épreuve athlétique la plus physique après le saut à la perche, elle s’est ouverte aux femmes dans les années 90. Sur le mode du documentaire, des heures d’observations, de prises de vues vidéo en entraînement et des entretiens avec l’athlète ont donné naissance à un spectacle, Corps de femme 1 – le marteau. J’ai ensuite décidé d’explorer mon propre territoire et de me tourner vers le ballon ovale et deux équipes féminines de rugby : l’Athlétic Club Bobigny 93 rugby (Top 10) et le Rugby Club Soisy Andilly Margency 95 (3e division). Je me suis cette fois-ci exercée à un portrait multi faces (d’une équipe de rugby à XV), selon le même procédé que le précédent, dans Corps de femme 2 – le ballon ovale.
Dans le troisième volet, Corps de femme 3 – les haltères, je suis allée à la rencontre de Nurcan Taylan, haltérophile née en 1985, première sportive turque à avoir décroché l’or olympique, championne du monde en 2010 des -de 48 kg (pour 1m52), détentrice de plusieurs records, soulevant respectivement 95 et 115 kg.
Après ces trois volets, je dirigerai mon investigation en Allemagne vers une sportive de l’ex-RDA, victime du dopage, ayant fait partie du programme médical de la STASI. Enfin, je souhaiterais, dans une dernière variation, confronter les 4 volets en les fusionnant. »
Judith Depaule
RUGBY FÉMININ – CHIFFRES ET HISTOIRE
Le rugby féminin à XV suit exactement les mêmes règles que son homologue masculin. Il demeure une pratique sportive amateur. On compte, toutes sections confondues, avec une très forte progression depuis 2000, 14027 licenciées (9621 joueuses et 4406 encadrantes). Cette discipline, qui n’a pas encore acquis le même statut que son homologue masculin en France et qui ne dispose pas des mêmes moyens (en raison de sa non médiatisation et de la fossilisation des mentalités), possède sa propre histoire, marquée par des tentatives masculines d’exclure les femmes du jeu.
Le colonel Crespin, directeur national de l’éducation physique et des sports annonçait la couleur en 1969 : « Le rugby est contre-indiqué pour les joueurs filles et les femmes pour des raisons physiologiques évidentes. Cette pratique présente des dangers sur le plan physique et sur le plan moral… Aussi, je vous demande instamment de ne pas aider les équipes de rugby féminin… ».
On trouve, en France, des traces de rugby féminin au début du 20e siècle. En 1965, des équipes d’étudiantes se créent pour participer à une campagne « contre la faim dans le monde ». Des clubs se constituent et donnent naissance en 1970 à l’association française de rugby féminin. Deux ans plus tard, le premier championnat de rugby féminin a lieu (80 ans après celui des hommes). Il faut attendre 1989 pour que le rugby français fasse sa révolution avec l’intégration des féminines au sein de la Fédération française de rugby.
Le rugby peut se pratiquer dès 6 ans, l’entraînement restant mixte jusqu’à l’âge de 15 ans.
Le rugby féminin s’organise en 3 divisions et un top 10 des meilleurs clubs. L’équipe de France féminine participe à 3 compétitions officielles.
- La Coupe du Monde de rugby féminin à XV existe depuis 1991, elle se déroule tous les quatre ans. L’équipe de France s’y est classée troisième en 1991, 1994, 2002, 2006. Elle s’est classée quatrième lors de la dernière coupe du monde à Londres du 25/08 au 05/09 2010.
- Le championnat d’Europe FIRA est organisé depuis 1995. Il a été remporté par la France en 1996, 1999, 2000 et 2004 (grand chelem).
- Le Tournoi des cinq nations féminin, créé en 1999, est devenu Tournoi des six nations depuis 2001. L’équipe de France féminine y a remporté le Grand Chelem en 2002, 2004 et 2006.
- En 2012, le rugby fait son entrée aux jeux Olympiques, dans sa version à 7.
Le spectacle s’articule autour de deux clubs :
– La section rugby de l’Athétic Club Bobigny 93 est créée en 1965 dans un club omnisport pour devenir une association indépendante, l’AC BOBIGNY 93 Rugby, en 2005. Une section féminine voit le jour en 2003 à l’initiative de Marc-Henry Kugler, professeur et créateur de l’équipe de rugby féminine de l’Université Paris 13 Bobigny. En quelques années, elle passe de la troisième division à l’Elite 1 / TOP 10. Plusieurs joueuses évoluent en équipe de France.
– Le Rugby Club Soisy Andilly Margency est l’un des premiers clubs à engager une équipe féminine (dès 1981) et la seule vitrine du rugby féminin dans le Val d’Oise. Il a contribué à la formation de plusieurs joueuses de l’équipe de France. La section féminine évolue en troisième division.