MISE EN SCENE
NARRATION
La narration s’attache à des figures marquantes issues des trois mouvements, militants de la première heure : Fusako Shigenobu, Kozo Okamoto, pour le Japon ; Ulrike Meinhof, Andreas Baader, pour l’Allemagne ; Margherita Cagol, Renato Curcio, pour l’Italie, ainsi qu’à May Shigenobu, en tant qu’enfant de militant, pour témoigner de son enfance clandestine. Ils racontent leur parcours, leur éveil politique, ce qui les a poussé au choix des armes, le passage à l’acte et les premiers attentats, la vie clandestine, leur rapport à la mort (la leur, celle de leurs camarades, celle de leurs victimes) et la fin de la lutte. Les séquences de témoignages alternent avec des scènes chorales chorégraphiées où les identités se confondent et où il est question de façon plus générale de la figure du terroriste, du rapport aux armes, de la clandestinité et de la détention. Enfin, quatre séquences donnent à «revoir» des attentats, tous perpétués en 1972 : la prise d’otages aux JO de Munich par l’organisation palestinienne Septembre Noir ; l’enlèvement d’Idalgo Macchiarine à Milan par les BR ; la série d’attentats à la bombe contre des objectifs militaires, policiers, judiciaires et médiatiques dans six villes allemandes par la RAF ; la fusillade à l’aéroport de Lod à Tel-Aviv par l’ARJ.
DISTRIBUTION
La distribution réunit des comédiens âgés entre 25 et 35 ans (3 femmes et 3 hommes), comme l’étaient les révolutionnaires de l’époque, ainsi qu’une acrobate aux rôles multiples (enfant, gymnaste…). Ils auront à tenir une triple partition : textuelle, corporelle et musicale. Au plateau sont également présents deux musiciens et un technicien.
TRAVAIL CORPOREL
La contestation de la fin des années 1960 s’illustra aussi par la révolution des corps : il fallait se débarrasser de tous les carcans sociaux mis en place par la bourgeoisie et, à ce titre, libérer les corps autant que les esprits. La vie clandestine, souvent communautaire, impliquait un autre état de corps. Les corps sont politiques, à la fois libérés et guerriers, mis à l’épreuve par le combat, la privation, la peur et l’enfermement. 4 moments chorégraphiés rythmeront le spectacle. Les acteurs suivront un entraînement physique pendant toute la durée des répétitions (Body Mind Centuring, maniement des armes, Aïki Ken, zoomorphisme).
MUSIQUE
Reprenant à leur compte une attitude protestataire, des musiciens (notamment en Allemagne et au Japon) posèrent les bases d’une nouvelle musique, en réaction au modèle anglo-saxon dominant. En RFA, ce fut, en particulier sous l’influence de KarlHeinz Stockhausen, l’apparition à la fois du Krautrock et de la Kosmische Musiek, et, au Japon, d’un courant qui allait poser les bases de la noise music. Qui plus est, certains musiciens importants de ces scènes vivaient dans une grande proximité, pas seulement intellectuelle, avec les organisations contestataires (en RFA, le groupe Amon Duül était issu de la Kommune I ; au Japon, le bassiste des Rallizes Dénudés participa à un détournement d’avion perpétré par l’Armée Rouge japonaise). L’Italie, quant à elle, se caractérisa d’avantage par des chansons à texte, au contenu parfois très engagé. La musique composée pour le spectacle sera une relecture de ces musiques expérimentales, superposée à des chants révolutionnaires de référence. Elle sera interprétée en direct par deux musiciens (synthèse modulaire, effets, guitares électriques, voix), rejoints par les comédiens, qui chanteront et joueront de guitares et de basses.
SCÉNOGRAPHIE ET IMAGES
L’élément principal de la scénographie est un mur lumineux constitué d’un assemblage de boîtes de leds. L’idée du mur s’impose comme ce qui se dresse, vous empêchant d’avancer, ce contre quoi on se heurte et donc ce qu’il y a à détruire. C’est aussi le mur que chacun érige pour soi-même, qui, en vous aveuglant, engendre ses propres limites. C’est le mur de nos projections et de nos désillusions, en constante évolution.
Un mur de 8,80×4,40m, qui, dans le spectacle, peut à la fois être réceptacle (tel un écran) d’une projection vidéo HD (provenant de la face du plateau) et devenir la projection elle-même, grâce à un système qui consiste à envoyer aux plaques de leds qui composent le mur un flux vidéo traduit alors en autant de pixels qu’il y a de plaques (800 = 40x20px). Une alternance entre une image tangible et une image incertaine, parce que fortement pixelisée, ou une image hypnotique comme peuvent l’être les compositions cinétiques qui jouent des rapports de formes et de couleurs – autant d’allers et de retours entre différents états de perceptions. Comme il s’agit de deux sources différentes (de face et à l’intérieur), le tangible peut tout aussi bien rencontrer l’incertain ou l’hypnotique, en se superposant et se mélangeant. Le statut de l’image se déplace entre fixations mnésiques (extraits d’archives des année 70), incursion dans le réel (le « ici et maintenant » de la représentation donné à voir en direct) et espace sensoriel (animations de leds et déformations). Il tend à restituer le caractère instable, changeant, de notre perception de l’Histoire, la vision d’un réel multiple et insaisissable.
« L’écran est plan, mais permettant le mouvement, il est aussi espace, il n’a donc pas deux mais quatre dimensions ». (Vasarely). Aussi fixe et imposant que soit le mur, il devient grâce à son utilisation un élément central mouvant. Centre nerveux du spectacle il est connecté avec tous les autres acteurs du spectacle : avec la musique et le son qui peuvent le faire vibrer, moduler, s’embraser ou changer de couleurs ; avec la lumière qui l’augmente ou le soustraie ; avec les acteurs qui depuis le plateau modifient son aspect. Pour ce faire toutes les entités engagées dans l’écriture du spectacle sont synchronisés et peuvent à loisir influer le comportement de l’autre dans l’idée d’une « dramatoolgie » où tous les médias participent à l’écriture générale du plateau.
Des caisses en bois montées sur roulettes (conçues par ailleurs pour ranger le mur) sont utilisées tout au long du spectacle comme sièges, véhicules, table, cellules de prison, couches, promontoires. En bois brut, elles rappellent les caisses qui servent à transporter des armes ou plus métaphoriquement aux caisses de l’histoire qu’il est parfois nécessaire de fracturer pour exhumer le passé.
RECONSTITUTION D’ATTENTATS
Le spectacle donnera à voir 4 reconstitutions d’attentats, traités à chaque fois de façon différente afin d’explorer plusieurs déclinaisons de spectacularité et de rendre l’idée d’un « jeu » dont la nature changerait mais pas les règles. Comment représenter la violence sur une scène de théâtre ?
1. mélange de reconstitution scénique et de séquences filmées, effets spéciaux
2. incrustation en direct de personnages dans un paysage animé, tournage et montage en direct
3. théâtre d’objets : maquette miniaturisée, animée en direct par les comédiens, filmée et retransmise en vidéo
4. séquence de jeu vidéo interactive jouée en direct par les comédiens
COSTUMES
La fin des années 60 et les années 70 ont été une révolte pour la mode s’opposant aux normes. Les femmes ont soudain eu tous les droits, les hommes quant à eux se sont féminisés. En haute couture, trois créateurs majeurs ont secoué les crinolines et influencé la mode de la rue presque en même temps : Courrèges, Paco Rabanne et Yves Saint Laurent.
Les militants auront chacun leur silhouette qui emprunte à la mode de ces années-là et déclineront des accessoires pour se métamorphoser en un clin d’œil (blouse, survêtement, k-way, masques, cagoules…).