MISE EN SCENE
L’exposition-spectacle s’organise en 15 parties, organisées dans l’espace qui se découvre au fur et à mesure de la visite grâce aux jeux de lumières, de spatialisation sonore. 15 parties comme autant de déclinaisons de performances d’acteurs, d’occupation de l’espace, d’univers lumineux, de compositions sonores, de vidéos et d’utilisation des iPads.
Les 12 acteurs forment un grand corps polymorphe sur le mode du choeur antique qui annonce au monde tous les maux qui le consomment et d’où régulièrement s’extraient des voix isolées. Le texte est réparti entre les acteurs selon une partition complexe de façon à en respecter la structure : du solo au choeur à l’unisson, parlé, chanté, et parlé-chanté.
Sur le mode du conditionnement, chaque acteur entretient un rapport spécifique avec 2 à 6 visiteurs-spectateurs pendant tout leur parcours dans l’espace et, tel un guide, leur indique la marche à suivre : il les accueille dès l’entrée, leur demande de leur confier leurs effets personnels, leur montre le chemin et va jusqu’à leur confier sa tablette numérique.
Les iPads, via un serveur central, diffusent de la vidéo et de la musique au fur et à mesure du déroulement de l’exposition-spectacle. À ces fins, une application « add hoc » (OpenFrameworks et Objective C) a été développée. Elle permet d’orchestrer des actions identiques ou différentes sur les 12 tablettes, de recomposer des images et des musiques préalablement découpées, ou d’agir en local de façon autonome. Chaque iPad peut à la fois jouer seul et offrir différentes possibilités d’interaction avec l’acteur ou le spectateur qui le manipule. L’exposition devient un monde virtuel propre à chaque visiteur et ouvre un espace illimité.
La scénographie s’inpire de chaque nouvel espace. Le parti pris d’éléments de décor « invisibles » ajustés au lieu (caisses de bois destinées au transport des œuvres d’art, estrades, tribunes, bancs, accroches pour les iPads, zones peintes), permet une plus grande inscription des corps et des images in situ. À deux reprises, la vidéo est projetée dans l’espace grâce à des vidéo projecteurs.
Patrick Bouvet cite dans In Situ les installations suivantes, auxquelles l’exposition-spectacle fait elle aussi à sa façon référence :
Bill Viola, The sleep of the reason, 1988
Edgard Varèse, Iannis Xénakis, Le Corbusier, Le poème électronique, 1958
Walter de Maria, The Broken Kilometer, 1975
Bill Viola, Anthem, 1983
Karl-Hartmut Lerch et Klaus Holtz, Portrait/Kopf, 1981
Walter de Maria, Mile Long Drawing, 1968 г
VIDÉO
Les images servent de contrepoint au texte et à l’aspect froid et technologique du dispositif. Elles dénoncent dans notre monde moderne la perte de considération pour l’homme en tant qu’individu et son besoin de compassion et de considération.
Sur un mode pseudo-documentaire, les images mettent en scène des protagonistes issus des groupes armés des années 70, tout en rappelant le style des piétas du Moyen-Age, où le sacrifice de soi, la douleur, le désespoir et l’extase sont à l’honneur. Ce sont les représentants, de la Blank generation ou génération perdue. La vidéo raconte une histoire parallèle, l’histoire de jeunes gens blessés abandonnés à leur sort sur une île qui vont rencontrer une jeune femme qui sillonne les flots sur un bateau militaire. Le personnage de la femme est comme la métaphore d’une tentative de sauvetage de cette génération.
Le spectacle emprunte des fragments à une vidéo qui existe aussi de façon autonome, Lullaby, 37’
MUSIQUE
La musique (créée in situ dans un espace très réverbérant) accompagne le spectacle de manière permanente, sans silences autres que des suspensions très courtes, dans le rythme et le tempo du texte. Présente dès l’accueil, elle est, majoritairement, sans tempo discernable (ou dans des tempos superposés, lents, différents), et les rares percussions sont des sons concrets, collisions de masses sur des parois résonnantes. Elle procède par longues vagues électroniques, souterraines, comme un soubassement sombre qui s’éclaircit, sans régularité. Spatialisée en 8 points de diffusion répartis dans la totalité de l’espace, la musique accompagne la déambulation des comédiens et des spectateurs, et est souvent diffusée loin du lieu de l’action, comme un écho lointain, menaçant.
Composée avec un synthétiseur analogique Serge de qualité de son très organique, la musique est aussi construite avec des bourdons enregistrés par les comédiens, desquels, pour trois scènes, s’extraient les voix en direct. Elle fait appel, pour les parties chantées, à des techniques de chant lyrique, mais dans un grand dépouillement ; intègre, dans une des parties, la respiration des comédiens, qui est donnée à entendre, amplifiée, sur les iPads, devenant alors des loupes sonores. Les passages d’une partie à une autres sont violents, des cuts tranchants. Elle n’exprime rien d’autre que le danger.