La guerre de mon père

La guerre d’Algérie hante nos consciences. Pensée comme un mal nécessaire pour certains, comme un gâchis par d’autres, elle est avant tout l’expression d’un peuple en lutte pour son indépendance. De nombreux jeunes hommes furent appelés au nom « du maintien de l’ordre et de la pacification » à participer à une guerre, longtemps occultée. Comment parler d’une chose qu’on ne peut nommer ?
La guerre de mon père retrace le parcours d’un homme de 45 ans qui enquête sur le silence de son père, parti faire son service militaire pendant les « évènements ».

durée 55 min
disponible en tournée 2016

création 2 décembre 2015

tout public à partir de 14 ans

INTENTION

RETOUR SUR UNE GUERRE SANS NOM

La guerre d’Algérie a fait couler beaucoup d’encre, pourtant elle reste un sujet difficile pour la mémoire collective. Que savons-nous au juste des « évènements d’Algérie », officiellement désignés comme une guerre que depuis 1999 ? Des évènements, qui, selon les sources, auraient provoqué près de 500 000 morts, toutes parties confondues.

La colonisation est une plaie encore suintante. L’indépendance de l’Algérie en a marqué une parenthèse symbolique, sans que celle-ci n’ait jamais été fermée définitivement. Quelles en sont les répercussions sur les générations à venir ? Peut-on construire un futur construit de manques ? Transmettre un passé troué ?

De nombreuses familles ont été directement touchées par la guerre d’Algérie. Sans compter les militaires de service, 1 343 000 appelés ou rappelés ont été envoyés en Algérie entre 1952 et 1962, soit la grande majorité des hommes nés entre 1932 et 1943. Qui, parmi eux, était alors en mesure de comprendre ce vers quoi on les dépêchait ? Qui pouvait mesurer les tenants d’une telle guerre ? Certains départs furent d’ailleurs malaisés : convois bloqués, sabotage des voies ferrées qui emmenaient les jeunes à Marseille d’où ils prenaient le bateau.

Nos pères ont été appelés ou rappelés et longtemps ils n’en n’ont pas parlé. Au détour d’une conversation, un jour, nous avons appris ou compris que cette chose avait été, qu’ils étaient partis là d’où on ne revient pas indemne, à demi-mots, sans s’attarder, avec gravité ou avec détachement.

Posant la question des « zones de non existence », autrement dit de «non-dits », nous souhaitons interroger le processus de réhabilitation mnésique, qui s’impose à tous, tel un exercice de légitimité générationnelle quand vient le temps de se définir.

[...]

INTENTION

RETOUR SUR UNE GUERRE SANS NOM

La guerre d’Algérie a fait couler beaucoup d’encre, pourtant elle reste un sujet difficile pour la mémoire collective. Que savons-nous au juste des « évènements d’Algérie », officiellement désignés comme une guerre que depuis 1999 ? Des évènements, qui, selon les sources, auraient provoqué près de 500 000 morts, toutes parties confondues.

La colonisation est une plaie encore suintante. L’indépendance de l’Algérie en a marqué une parenthèse symbolique, sans que celle-ci n’ait jamais été fermée définitivement. Quelles en sont les répercussions sur les générations à venir ? Peut-on construire un futur construit de manques ? Transmettre un passé troué ?

De nombreuses familles ont été directement touchées par la guerre d’Algérie. Sans compter les militaires de service, 1 343 000 appelés ou rappelés ont été envoyés en Algérie entre 1952 et 1962, soit la grande majorité des hommes nés entre 1932 et 1943. Qui, parmi eux, était alors en mesure de comprendre ce vers quoi on les dépêchait ? Qui pouvait mesurer les tenants d’une telle guerre ? Certains départs furent d’ailleurs malaisés : convois bloqués, sabotage des voies ferrées qui emmenaient les jeunes à Marseille d’où ils prenaient le bateau.

Nos pères ont été appelés ou rappelés et longtemps ils n’en n’ont pas parlé. Au détour d’une conversation, un jour, nous avons appris ou compris que cette chose avait été, qu’ils étaient partis là d’où on ne revient pas indemne, à demi-mots, sans s’attarder, avec gravité ou avec détachement.

Posant la question des « zones de non existence », autrement dit de «non-dits », nous souhaitons interroger le processus de réhabilitation mnésique, qui s’impose à tous, tel un exercice de légitimité générationnelle quand vient le temps de se définir.

PROCESSUS D’ÉCRITURE

Un homme de 45 ans s’interroge sur ses origines et soudain reconsidère le fait que son père a fait une certaine guerre. Comment ? Pourquoi ? Dans quelles circonstances ? Avec quelles conséquences ? Pourquoi n’en avoir jamais clairement parlé ensemble ? Pourquoi n’avoir jamais posé de questions ? Pourquoi lui semble-t-il que quelque chose lui échappe ?

Cet homme veut en savoir plus. Il interroge alors son père, des amis, l’Histoire, la littérature, des documents, des lettres d’appelés, le cinéma, des photos, des personnes croisées au marché ou ailleurs qui se souviennent…
Il demande, essaie de comprendre, de raconter à son tour… C’est ce processus-là que je souhaite restituer.

Suivre un homme au temps présent, en quête d’un passé confisqué, à l’aide d’une projection vidéo qui permet de suivre son travail d’enquête. La vidéo donne à voir les témoins qu’il évoque, avec qui il dialogue ou polémique.
Un homme qui soudain croit saisir un sens, puis le perd, mais qui chemine pour tenter de le trouver. Une interrogation sur la mémoire et l’Histoire, les conséquences de la colonisation, et sur le monde, par ricochets.
Il s’agit dans cette proposition de privilégier le point de vue des appelés et de leurs proches, de donner à entendre le témoignage d’une génération partie faire son service (28 mois en moyenne), par obligation militaire, dans un département français, et qui s’est retrouvée à participer à une « guerre sans nom », car non énoncée comme telle. Des hommes qui ont eu à risquer leur vie, mais qui ont été amenés aussi à tuer, à commettre des exactions jusqu’à la torture au nom du maintien de l’ordre et de la pacification.

Un silence prégnant pèse sur ces 8 ans de guerre. Les raisons de ce silence sont multiples et entremêlées. Quand on pense avoir accompli une guerre nauséabonde, honteuse, inutile, illégitime et indéfendable, il est difficile de s’en glorifier. Comme il est difficile de se reconstruire face au mutisme, au déni et au désintérêt de son entourage et de la société. Jusqu’en 2001, aucun dispositif commémoratif officiel n’a permis le souvenir. Alors on parle le moins possible, on préfère « fermer la porte ou le robinet », « couper », « tourner la page », « classer l’affaire », « mettre la clé », « tirer le rideau », « faire le blackout », « couler une chape de plomb sur ce qu’on a vécu », parce que ce ne sont pas des « choses qu’on remet sur le tapis ». Parler entre soi aussi est difficile, car que les anciens appelés aient fait partie d’une unité combattante ou qu’ils aient été en charge d’une tâche administrative, tous n’ont pas fait la même guerre.

LA GUERRE D’ALGÉRIE DANS LES PROGRAMMES SCOLAIRES

La guerre d’Algérie fait son apparition dans les programmes du secondaire en 1983, mais au détour des questions relatives à la décolonisation ou au passage de la IVe à la Ve République. Aujourd’hui, le programme d’histoire des terminales générales propose un exercice de mémoire, intitulé « le rapport des sociétés à leur passé », au choix entre « l’historien et les mémoires de la Seconde Guerre Mondiale en France » et « l’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie »… C’est généralement le premier sujet qui est étudié.

Au vu des débats actuels, il nous semble nécessaire de destiner en priorité ce spectacle aux collèges et aux lycées, pour réintroduire un échange de fond avec la jeune génération. Prévu pour être autonome et léger, le spectacle sera d’une grande adaptabilité, adapté à de petits lieux et des jauges réduites, il pourra se jouer dans un second temps in situ dans les établissements scolaires, dans les salles de classe. Il sera l’occasion de mettre en place, sous forme « d’ateliers », des temps de travail avec les élèves autour de la mémoire et du lien intergénérationnel. S’intéresser aujourd’hui à cette guerre et entendre les appelés fait émerger deux évidences : le matériau en 2015 est encore sensible ; l’idée d’un bon et d’un mauvais clan doit être remisée pour aborder le conflit.

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MISE EN SCÈNE DU SPECTACLE

MISE EN SCENE

Le dispositif scénographique se compose d’un rideau transparent fait d’un assemblage de plaques de plexiglass de tailles différentes reliées par de gros anneaux métalliques. Il évoque aussi bien les contours des pays africains tracés à la règle, des continents enchaînés les uns aux autres par un passé commun, des plaques tectoniques prêtes à s’entrechoquer, une frontière invisible… Au plateau un bureau aussi transparent, tel une mémoire intangible. Au milieu de ces plaques deux projections vidéo, comme suspendues dans le vide, donnent à voir d’anciens appelés qui témoignent et répondent aux questions que l’acteur leur pose, des documents d’archives (clichés pris par les appelés lors de leur séjour, ancienne carte de l’Algérie, images de guerre) mais aussi des conversations par mail ou skype que l’acteur noue avec son entourage. Un micro, destiné à la parole commune des appelés, ouvre un second paysage sonore.

Dans sa version légère, destinée aux établissements scolaires, seuls les écrans demeurent pour permettre les projections vidéo.

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EXTRAIT DU TEXTE

EXTRAIT

Lettre d’appelé, paru dans le numéro hors série de Télérama, « Algérie je t’écris», 15 mars 2002.

Pour moi, la guerre d’Algérie, c’est mon père menaçant et ivre qui crie son désespoir, ce soir-là, dans la décharge près de chez nous. Il veut mourir avec le pistolet qu’il a ramené de la guerre. Et nous, ses gosses, on lui dit de ne pas tirer, qu’il faut qu’il rentre à la maison. Plus tard, souvent, je vais regretter qu’il n’ai pas tiré dans son corps gonflé de mauvais vin. Toujours saoul, il nous crachera sa haine de vivre des années durant, sa honte, son remords d’avoir commis des actes ignobles comme celui d’avoir attaché ce fellagha, nu, les bras en croix, exposé à la chaleur du jour et au froid de la nuit… jusqu’à la mort. Pour moi, l’Algérie, ce sera aussi toutes ces lettres d’amour — avec moi dedans qui grandis — que mes parents ont échangées. Elles étaient cachées dans un grand carton au fond du couloir. Je les lisais souvent sans comprendre pourquoi l’amour d’alors s’était transformé en cauchemar. Un père ivrogne pour cause de guerre, ça en fait des légats. Jacques est mort à 56 ans. Après avoir perdu sa trace de nombreuses années à la suite de son divorce d’avec ma mère, on s’est revu. J’ai enfin pu lui pardonner, il a connu ses petits-enfants, pas beaucoup, non. Il a juste été content de savoir que ‘je m’en étais sortie, de sa vie’. À la morgue, je l’ai vu ENFIN reposé, détendu, beau, car il était beau, Jacques. Sa guerre d’Algérie était ENFIN terminée… Combien de Jacques ont-ils fini ainsi ?

PROCHAINES DATES

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ÉQUIPE

conception Judith Depaule, Vincent Deslandres
mise en scène, vidéo Judith Depaule
scénographie Tanguy Nédélec
musique Mell
collaboration images Maria Loura Estevão, JSLB
réalisation décor Tanguy Gauchet, Vincent Tronel et Sid Ali Zine
stage mise en scène Cécile Roqué-Alsina
avec Vincent Deslandres

PRODUCTION

Mabel Octobre
subventionnée par le Ministère de la Culture – convention Drac Île-de-France et Région Île-de-France
avec le soutien de la Drac Île-de-France dans le cadre de l’Aide à Résidence
résidences de création Confluences, Paris

 

REMERCIEMENTS

à toutes les personnes qui ont été interviewées
à 4ACG, ARAC, FNACA, FNCPG-CATM, Les Clionautes
et à Sophie Bouillot, Magali Chiappone-Lucchesi, Olivier Guillerminet, Ghayss Sharbo et Léa Taral

Les répétitions du spectacle ont été filmées en vue du projet de diplôme de Coline Parizot, étudiante à l’ENSAD